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Appunti completi di Letteratura Francese e Traduzione | Lezioni + traduzioni + libri, Appunti di Letteratura Francese

Appunti di Letteratura Francese dalla prima all'ultima lezione della professoressa Daniela Tononi compresi delle traduzioni svolte e corrette in classe e il seminario su Marcel Proust. Il documento verte sulla storia della traduzione, le operazioni di traduzione (con il focus su trasposizione e modulazione), l'autobiografia con i libri di Lejeune nella scheda di trasparenza, l'autofiction, autori come Breton, Sartre, Sarraute, Delbo e Perrec con le loro opere, la letteratura concentrazionaria e la traduzione dei colori

Tipologia: Appunti

2023/2024

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Scarica Appunti completi di Letteratura Francese e Traduzione | Lezioni + traduzioni + libri e più Appunti in PDF di Letteratura Francese solo su Docsity! Professoressa Daniela Tononi LETTERATURA E TRADUZIONE FRANCESE La traduction et son histoire La traduction est née comme un outil entre les mains des linguistes pour réfléchir sur la langue, donc ce n’était pas une discipline, mais quelque chose d’ancillaire par rapport à la linguistique. Elle a affirmé son autonomie quand elle s’est séparée de la linguistique : d’abord la traduction était secondaire et mécanique, et donc on pensait que l’auteur était investi de la fonction créative, alors que le traducteur n’avait qu’une fonction de service à la portée de tous. Depuis l’Antiquité, il existait une opposition entre poète et interpres, donc l’interprète, qui avait une fonction utile et instrumentale. De toute évidence, la première distinction entre poète et interprète se trouve déjà dans De optimo genere oratorum (46 avant J.-C.) de Marcus Tullius Cicero ou Cicéron, l’un des premiers textes qui a été désigné comme texte de réflexion sur la traduction. Dès le début, la traduction était considérée par la société comme insignifiante. Ensuite, ce préjugé s’est poursuivi aussi dans l’époque contemporaine : jusqu’à récemment, le traducteur n’était même pas juridiquement protégé et ce changement n’a eu lieu qu’au moment où son œuvre a été considérée comme un genre. Les traducteurs doivent connaître les contrats de traduction et les termes de la loi qui les protègent. Le nom du traducteur n’est pas toujours inscrit dans les livres où il travaille, parfois il se tait. Avant aujourd’hui, certains le considéraient même comme un traître. L’étude de cette discipline n’a pas été immédiate, même du point de vue de la recherche et de l’enseignement dans les universités en raison des préjugés qui existaient à la profession. La traduction est née déjà dans les civilisations grecques et latines d’un préjugé sur la langue vue comme basse : les Grecs considéraient la langue des autres peuples comme barbare et étrangère. Dans le dialogue entre les cultures grecque et latine, il fallait travailler à la traduction. Beaucoup de textes arrivaient en traduction grecque, d’autres en traduction latine. Une première réflexion de la traduction vient donc de la culture latine-romaine, parce qu’elle était considérée comme un satellite de la culture moderne, au point que l’on pourrait supposer que la traduction était une invention romaine. Cicéron et Marcus Fabius Quintilianus ou Quintilien ont réfléchi sur la traduction et sur l’influence qu’elle avait sur la culture. La traduction des œuvres grecques ne devait pas être considérée comme un produit secondaire, mais une attention continue entre des cultures très différentes ; l’acte de traduction ne confronte pas seulement deux langues, mais aussi deux cultures. Les hypothèses sur la priorité entre les deux cultures sont nombreuses : il est difficile de comprendre s’il est plus opportun de rester dans la culture de départ et donc de la sauvegarder à travers une traduction sourcière qui privilégie le texte source, ou donner plus de relief au texte cible à travers une traduction cibliste où on perd une partie du texte original. Chaque traducteur réalise un acte créatif parce qu’il choisit ce qu’il fait du texte. Le traducteur Jean-René Ladmiral était l’un de ceux qui se demandaient quoi faire dans la traduction. L’opposition entre scribere et se vertere, donc tourner dans une autre langue, est le sujet de débat le plus difficile pour les chercheurs. Se vertere signifie donner un texte supplémentaire par rapport à l’original, très souvent en encourant la latinisation, parce que beaucoup de choix étaient faits pour sauver la langue d’arrivée, le latin. Un autre moment important lié à la traduction est celui de la traduction de la Bible, dont le travail a commencé dès 390 avant J.-C.. Eusebius Sophronius Hieronymus Stridonensis ou Jérôme de Stridon avait traduit du grec une partie de la Bible, qui fut appelée Vulgate. Une autre impulsion à l’histoire de la traduction a été donnée par Dante Alighieri, et par d’autres auteurs italiens comme Giovanni Boccaccio et Leonardo Bruni, qui a publié un ouvrage sur la traduction, De interpretatione recta (1420). Toujours au XVe siècle, le terme trāductĭo réunissait plusieurs catégories de mots, et signifiait imitation, formulation, conversion, explication, puis expression ; les termes tradurre en italien, traduire en français et traducir en espagnol dérivent du terme trāductĭo. Au siècle suivant, Martin Luther a traduit la Bible en un allemand vulgaire, également valable du point de vue esthétique. Il fut accusé de s’être trop détaché de l’original, mais avec une circulaire sur la traduction, il a défendu ses choix. Selon Luther, le texte traduit devait être fluide, et les métaphores comprises par tous, dans ce cas par le lecteur allemand. Entre le XVIIe siècle et le XVIIIe siècle, en France, Professoressa Daniela Tononi triomphèrent les belles infidèles, les traductions embellies, presque ornementales, qui s’opposaient aux anciennes traductions originales ; c’était une façon de créer des textes avec des embellissements rhétoriques, mais infidèles à l’original. Cette dichotomie entre fidélité de la traduction et infidélité de la traduction était le principal débat du siècle : on se demandait s’il valait mieux écrire une traduction belle et infidèle ou laide et fidèle. La littérature espagnole a beaucoup influencé l’appel à d’autres cultures, comme le théâtre français de Pierre Corneille qui avec la pièce de théâtre tragi-comique Le Cid (1637) fut accusé de plagiat par les Espagnols. Cette dichotomie ne tenait cependant pas compte des réalités culturelles qui étaient différentes, de sorte que le texte à traduire était immédiatement projeté dans la culture d’arrivée, qui était plausible en France uniquement parce qu’à cette époque-là la culture émanait du pouvoir. Si, du point de vue linguistique, la France assumait un pouvoir au sein de la culture et de la littérature, tout ce qui vient de l’extérieur devait respecter certains canons. Au XVIIIe siècle, il y avait une plus grande ouverture pour les autres littératures grâce à une conception cosmopolite et une élasticité minimale pour la littérature. La politique culturelle du siècle demeurait cependant dans ce siècle, bien qu’il y ait eu les Siècles des Lumières : en effet, aucune nouvelle œuvre théâtrale n’était créée, à part quelques cas qui ne supportaient pas la comparaison avec le siècle précédent, et on n’écrivait pas de poésie à part quelques compositions de la poésie didactique. Madame de Staël a publié De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (1800), qui a été très important pour la traduction car elle affirmait qu’il fallait regarder la traduction allemande en donnant une nouvelle nymphe à la littérature française. Le Romantisme a été influencé par la langue allemande et donc par une relation avec la langue étrangère très différente par rapport aux siècles précédents. De nombreux termes faisaient partie de la littérature française et de nombreux textes étaient traduits en influençant la langue cible. En particulier, au XIXe siècle, il y a eu en France une évolution substantielle des théories de la traduction car celle-ci était utilisée par les linguistes, les grammairiens et les auteurs. Au XIXe siècle, deux tendances ont été créées : - Selon la première tendance, la traduction était considérée comme une catégorie de pensée et le traducteur était donc considéré comme un génie créatif entrant en contact avec le génie du texte original ; - Selon la seconde tendance, la traduction était encore un processus mécanique qui n’avait rien à voir avec la créativité du produit original. Parmi les écrivains-traducteurs du XIXe siècle il y avait Charles Baudelaire qui avait traduit les œuvres d’Edgar Allan Poe et de Tom Wood. Bien qu’il y ait beaucoup de liberté dans la traduction, Baudelaire n’a trahi jamais l’original, mais c’est lui qui a opéré une refonte révolutionnaire du texte à partir du titre des comtes de Poe, Tales of the Grotesque and Arabesque (1840), qui a été traduit en Histoires extraordinaires. Son texte était même beaucoup plus riche et expressif que l’original, et il était plus sympathique aux Français, au point de ressembler à un texte de première main. Un autre poète qui était également traducteur était Stéphane Mallarmé, qui a écrit le poème Un coup de dés jamais n’abolir le hasard (1914), qu’il a traduit de l’anglais et qui imitait la structure de la phrase anglaise. Un autre penseur encore a été Benedetto Croce qui, avec son ouvrage Estetica come scienza dell’espressione e linguistica generale (1902), a consacré quelques pages à la traduction où il a fait de riches observations sur la traduction du point de vue historique et pratique. Croce a également été le premier à réfléchir aux illustrations et aux éléments qui n’étaient pas considérés auparavant comme des produits de la traduction. Les illustrations et les représentations picturales et sculpturales de poèmes ou les représentations théâtrales sont des traductions, et c’est ainsi que le concept de traduction intersémiotique est né. Un autre texte important pour la traduction est l’essai La tâche du traducteur (1921) de Walter Benjamin, dans lequel la réflexion est devenu presque métaphysique parce que l’auteur avait étudié sur la tradition textuelle musicale juive. La traduction était pour lui un moyen de faire monter l’homme vers le haut et donc l’intention du traducteur était d’élever le texte vers le suprême, tandis que la traduction qui a pour seul but de véhiculer un contenu était considérée par lui comme négative. Un autre problème important auquel Benjamin a fait face est celui de l’intraduisibilité, qui n’existe pas : il est toujours possible de traduire, même avec des adaptations ou Professoressa Daniela Tononi à son prédécesseur, elle a utilisé l’annexion : dans le texte, on remarque plus son écriture que celle de Proust, car les choix sont les siens. Les opérations de traduction La traduction est un processus très compliqué d’utilisation des langues. Il existe plusieurs types de traduction, dont la traduction directe, qui se divise en fonction du processus utilisé : - L’emprunt, c’est-à-dire un mot emprunté à une autre langue sans le traduire (ex. mafia utilisé en français ou chauffeur utilisé en italien ; - Le calque, c’est-à-dire l’emprunt d’un syntagme étranger avec la traduction littérale des éléments (ex. mafieux utilisé en français ou gendarmi utilisé en italien) ; - La traduction littérale ou traduction mot à mot, c’est-à-dire le passage traductif qui conduit à un texte correct et idiomatique sans que le traducteur doive se préoccuper d’autre chose que des obligations linguistiques (ex. les roses sont rouges traduit par le rose sono rosse). La traduction directe essaie de conserver autant que possible la structure, le vocabulaire et la grammaire du texte original, en essayant de les transférer dans la langue cible sans les modifier plus que nécessaire à la compréhension. Un autre type de traduction est la traduction oblique, également appelée traduction libre, qui offre une plus grande liberté dans le processus de traduction; l’objectif principal de cette traduction n’est pas la fidélité du texte, mais plutôt la transmission de sa signification et de l’effet émotionnel ou stylistique dans la langue cible. Elle peut impliquer des modifications plus substantielles dans la structure, le ton et le vocabulaire du texte, et elle est également divisée en plusieurs types: - La transposition, c’est-à-dire le processus par lequel le sens change de catégorie grammaticale (ex. Ils prêchaient tour à tour traduit par Si alternavano nelle prediche) ; - La modulation, c’est-à-dire la variation obtenue en changeant le point de vue et très souvent les catégories de pensée (ex. Tu as du feu ? traduit par Mi fai accendere?) ; - L’équivalence, c’est-à-dire la procédure qui rend compte d’une même situation en ayant recours à une expression entièrement différente (ex. revenir à ses moutons traduit par tornare a bomba); - L’adaptation, c’est-à-dire l’utilisation d’une équivalence reconnue entre deux situations (ex. P.M.U. traduit par Totocalcio). La transposition La transposition est le processus de traduction qui consiste à remplacer une partie du discours ou une catégorie grammaticale par une autre. C’est donc un double affranchissement envers les servitudes de la forme lexicale et de la forme grammaticale. L’opération de transposition est très récurrente à l’intérieur d’une même langue, par exemple en italien c’est la même chose de dire Io credo che sia sbagliato, A mio parere non è così ou Io non credo che si faccia così. De même, il peut arriver en français : - Dès la fin du conflit, nous aurons des chiffres plus précis (complément de temps + sujet + verbe actif + complément direct) ; - Des chiffres plus précis nous seront donnés dès que le conflit sera terminé (sujet avec adjectif + complément indirect + verbe passif + subordonné de temps). Dans une même langue, la transposition est déterminée par un choix de style. Dans la traduction, il est nécessaire de respecter le texte source dans le sens et le style. Dans le cas de la transposition, on conserve le sens tandis que le signifiant doit être organisé différemment : il faut saisir le sens Professoressa Daniela Tononi fondamental et le répartir dans les parties du discours qu’on choisit. La transposition concerne toutes les parties du discours (article, nom, pronom, verbe, adverbe, conjonction et interjection), toutes les catégories grammaticales (prédicat verbal, sujet et compléments) mais aussi des périodes et des paragraphes entiers avec des unifications, des scissions et des glissements. Une transposition locale, en particulier, est une transposition interne à une catégorie grammaticale (ex. con semplicità traduit par simplement), dans laquelle à l’intérieur d’une locution adverbiale on enregistre une transposition nom/adverbe. On a une transposition en chaîne lorsqu’une transposition en provoque une autre : IT. Con la stessa semplicità [...] gli disse che facesse pure il bagno da solo. FR. Tout aussi simplement [...] elle dit de prendre son bain. La transposition nom/adverbe provoque une autre transposition adjectif/adverbe, c’est-à-dire stessa traduit par tout aussi, à l’intérieur de la location adverbiale. Le français préfère les propositions nominales : beaucoup de verbes tombent en désuétude et chargent le sens sur les substantifs, transformant les verbes en simple copule. Dans la transposition nom/verbe, donc, on préfère en italien le verbe à la place du nom: - Défense de fumer traduit par Vietato fumare ; - Pelouse interdite traduit par È proibito calpestare l’erba ; - Prière de fermer la porte traduit par Si prega di chiudere la porta ; - Ne pas descendre avant l’arrêt du train traduit par Non scendere prima che il treno sia fermo ; - On commença la récitation des leçons traduit par Cominciammo a ripetere le lezioni ; - Comme on comprenait bien le pourquoi du plaisir ! traduit par Come si capiva bene il perché del piacere che si provava!. La même chose, au contraire, avec la traduction de l’italien vers le français : - Di come l’avvocato Munafò cominciò a dubitare di essere il padre di Candido traduit par Des doutes que nourrit Maître Munafò à propos de sa paternité ; - Il tuo protettore era il suo maggiordomo, lo serviva da quarant’anni traduit par Ton protecteur était son majordome : au service de son maître depuis quarante ans. Le français abandonne aussi des expressions comme le verbe substantif qui sont fréquentes en italien ; il préfère aussi la formule verbe copule + substantif : - Già in età matura, sul finire del secolo, aveva sposato la «prima cameriera» traduit par Homme déjà mûr, vers la fin du siècle, il avait épousé la « première femme de chambre » ; - Non desiderava altro che abbreviarli traduit par Il n’avait plus d’autre désir que de les abréger. Même s’il en reste un usage littéraire en français cultivé, l’italien par rapport au français utilise souvent le subjonctif conjugué et dans le processus de traduction il faut en tenir compte : IT. Aspettava che venisse la solita ora della gita in mare. Tutto ad un tratto […] vide un giovane bruno e adusto che tendeva la mano alla madre […] e aspettò che la conversazione fosse finita. FR. Agostino attendait l’heure de la promenade habituelle. Soudain vit un jeune homme brun et bronzé qui tendit la main à sa mère […] et attendit la fin de la conversation. Il y a des cas assez rares où du nom italien on passe au verbe français, mais il s’agit toujours d’exceptions à la règle générale : IT. Si apre sul retrostante parco che, con la sua lunghissima catena di cascate e di fontane, crea l’ambiente paesistico. FR. Il s’ouvre sur le parc où se succèdent cascades et fontaines, créant ainsi un cadre naturel. Professoressa Daniela Tononi La transposition nom/adjectif est donnée par un usage préférentiel du nom en français, par rapport à l’adjectif. En italien, tout le contraire se produit, et c’est pourquoi quand on utilise ce type de transposition, on fait une nominalisation de l’adjectif dans la traduction française : IT. Vivrelle è una fibra prodotta per dotare i tessuti del massimo confort e della massima resistenza. FR. Vivrelle est une fibre produite pour donner aux tissus le maximum de confort et de résistance. Parfois, cependant, l’adjectif peut directement disparaître et il est remplacé par compensation par un substantif qui prend en charge la signification de l’adjectif du texte de départ : - Un agitato manipolo di monaci e di servi traduit par Une troupe de moines et de servants ; - La paura si tramutava in un atteggiamento dubbioso traduit par La peur faisait place au scepticisme. D’autres procès qui sortent de la transposition nom/adjectif de l’italien au français sont la disparition des superlatifs et une préférence du nom par rapport à l’adjectif dans les cas de noms de personne, qui existe aussi en italien : - Le finestre della saletta da pranzo del nostro appartamento davano su uno stradone traduit par Les fenêtres de la salle à manger de notre appartement donnaient sur une grande rue ; - Si poteva ravvisare nella vicenda un apologo esopiano traduit par On pouvait voir dans la chose un apologue à la manière d’Ésope ; - Il a une réponse gaullienne traduit par Lui ha una risposta degna di de Gaulle. La transposition adverbe/verbe est caractérisée par un usage en italien des déictiques pour renforcer le verbe (ex. su, giù, via ou avanti), tandis qu’en français elle est caractérisée par quelques verbes exprimant le mouvement, remplaçant ainsi l’adverbe par le verbe (ex. Andiamo via traduit par Nous partons). En général, les traducteurs utilisent peu les adverbes en -mente, et donc en italien aussi il est préférable de ne pas utiliser des adverbes. Lors du passage du français à l’italien, le recours aux adverbes déictiques dans le texte cible est indispensable si l’on veut obtenir une adaptation effective dans la langue d’arrive : FR. La nuit était profonde, l’eau tombait à torrents. IT. La notte era profonda, l’acqua veniva giù a catinelle. La transposition verbe/nom est un autre type de transposition commun dans les traductions de l’italien vers le français; le verbe en italien devient nom en français (ex. Si baciarono a lungo traduit par Un baiser interminable). Le même processus fait à l’envers est donné par la transposition adverbe/adjectif (ex. apertamente derisorio traduit par franche ironie). Un autre type de transposition est la transposition des fonctions syntaxiques ; dans ce cas, il y a une mutation des parties du discours : FR. La première fois au commissariat mon affaire semblait n’intéresser personne. IT. La prima volta al commissariato sembrava che nessuno si interessasse alla mia faccenda. Dans cet exemple un fait qui est fortement remarqué est l’utilisation de la proposition infinitive en français par rapport à la subjonctive en italien. La transposition par conversion de forme passive en forme active est ensuite une opération dictée par des règles morpho-synthétiques : IT. Sono stata rimproverata dal professore. FR. Le professeur m’a fait des reproches. À ce type de transposition, s’approche la transposition par scission ou unification de phrases complexes où des phrases complexes très longues en italien sont scindées, ou vice versa : IT. Pian piano, quasi senza avvedersene, don Fabrizio raccontava a don Calogero i propri affari, che erano numerosi, complessi e da lui stesso mal conosciuti: questo non già per difetto di penetrazione, ma per una sorta di sprezzante indifferenza al riguardo di questo genere di cose, reputate infime, e Professoressa Daniela Tononi L’autobiographie L’autobiographie est un récit rétrospectif en prose qu’une personne réelle fait de sa propre existence, lorsqu’el/e met l’accent sur sa vie individuelle, en particulier sur l’histoire de sa personnalité, contrairement au journal. Ce type de genre s’est affirmée au XIXe siècle avec Le Pacte autobiographique (1975) de Philippe Lejeune, qui reconnait dans Les Confessions (1782-1789) de Jean-Jacques Rousseau la définition de autobiographie traditionnelle. Rousseau a décrit sa vie jusqu’au moment de l’écriture, mais il a dit qu’il ne pouvait pas raconter toute la vérité au sens absolu du mot, car par exemple il n’avait pas la possibilité de parler de sa naissance à cause des trous de mémoire ; toutefois il a affirmé qu’il serait sincère dans son écriture. Pour parler de quelque chose qu’on ne rappelle pas vraiment, on invente des épisodes, donc il n’existe pas l’autobiographie sans la fiction. Les Confessions, en particulier, est un texte qui anticipait déjà les sentiments du Romantisme, donc Rousseau est considéré un auteur romantique ante litteram, mais fou pour ses contemporaines à cause de ses pensées. L’autobiographie en effet est née dans le Romantisme, donc dans le XIX siècle, parce que dans cette époque-là le sujet était central dans l’écriture. Autres autobiographies romantiques sont Vie de Henry Brulard (1890) de Stendhal, Histoire de ma vie (1855) de Georges Sand et Mémoires d’outre-tombe de (1849-1850) de François-René de Chateaubriand. La définition normative de l’autobiographie a la mérite de mettre l’accent sur : - La forme du langage, et donc le récit ou la prose ; - Le sujet traité, et donc la vie individuelle et l’histoire de la personnalité de l’auteur ; - La position particulière de l’auteur, et donc le point de vue rétrospectif, mais aussi l’identité auteur- narrateur-personnage. L’auteur, à la lisière du texte celui qui fait profession d’écrire, le narrateur, le sujet de l’énonciation chargé par l’auteur de raconter l’histoire et le personnage, le sujet de l’énoncé chargé d’assumer une ou plusieurs fonctions dans le récit, se trouvent liés dans une unique identité de nom. Les genres voisins de l’autobiographie ne remplissent pas toutes ces conditions, c’est-à-dire les mémoires, la biographie, le roman personnel, le poème autobiographique, le journal intime ou l’autoportrait ou essai. Le pacte autobiographique est un pacte de fiabilité entre le lecteur et l’écrivain. Une des fonctions du pacte est de déclarer explicitement l’identité auteur-narrateur-personnage avant la lecture, par exemple dans le titre. Dans l’autobiographie classique, le narrateur est le personnage principal et donc on utilise le la première personne singulière, ce qu’on appelle narration autodiégétique. En même temps, on peut distinguer qu’on peut avoir des narrations à la première personne sans que le narrateur soit la même personne que le personnage principal, ce qu’on appelle narration homodiégetique. Dans le cas de l’avant-garde, on parle plutôt de autobiographie à la deuxième personne, car même si on utilise le pronom tu, il s’agit d’une autobiographie à partir de tous les éléments textuels. Autre type de autobiographie est la nouvelle autobiographie à la troisième personne, utilisée par exemple dans Enfance (1983) de Nathalie Sarraute, où elle a utilisé la première personne, mais aussi la deuxième et la troisième. Quand le narrateur ne correspond pas au personnage principal, on parle plutôt de biographie, divisée entre le récit de témoin à la première personne, la biographie adressée au modèle à la deuxième personne et la biographie classique à la troisième personne. Autre élément de l’autobiographie est la chronologie, c’est-à-dire la linéarité. Dans le roman de Rousseau, l’auteur respecte dans son autobiographie traditionnelle l’ordre chronologique, à partir de sa naissance. Le pacte est un contrat d’identité de manière implicite dans le paratexte. L’auteur tire la réalité de la liste de ses autres ouvrages qui figurent souvent en tête du livre. L’autobiographie suppose qu’il y ait l’identité de nom entre l’auteur, le narrateur du récit et le personnage dont on parle. Le pseudonyme, en particulier, est un nom différent de celui de l’état civil, dont une personne réelle se sert pour publier tout ou partie de ses écrits ; c’est un nom d’auteur, pas exactement un faux nom, mais un nom de plume. Les pseudonymes littéraires ne sont en général ni des mystères, ni des mystifications. Il ne faut pas confondre le pseudonyme, qui est sur la couverture, et le nom attribué à une personne fictive à l’intérieur du livre : cette personne et elle-même désignée Professoressa Daniela Tononi comme fictive par le simple fait qu’elle soit incapable d’être l’auteur du libre. Dans le cas du nom fictif donné à un personnage qui raconte sa vie, il arrive que le lecteur ait des raisons de penser que l’histoire vécue par le personnage est exactement celle de l’auteur : soit par recoupement avec d’autres textes, soit en se fondant sur des informations extérieures, soit même à la lecture du récit dont l’aspect de fiction sonne faux. Il ne s’agit pas d’une autobiographie : celle-ci suppose d’abord une identité assumée au niveau de l’énonciation, et tout à fait secondairement, une ressemblance produite au niveau de l’énoncé. Tous les textes où le lecteur peut soupçonner à partir des ressemblances qu’il peut deviner, qu’il y a identité de l’auteur et du personnage, alors que l’auteur a choisi de niet cette identité ou de ne pas l’affirmer, ils sont des romans autobiographiques. Le roman autobiographique accepte des degrés : cette ressemblance perçue par le lecteur peut alors aller d’un simple air de famille à une quasi-transparence. L’autobiographie ne comporte pas de degrés : c’est tout ou rien. Si l’on reste sur le plan de l’analyse interne du texte, il n’y a aucune différence entre un roman autobiographique et une autobiographie : tous les procédés employés par l’autobiographie peuvent être copiés dans les romans. Cette identité du nom peut être établi de deux manières : - Implicitement, au niveau de la liaison auteur-narrateur à l’occasion du pacte autobiographique ; elle peut prendre deux formes : emploi de titres qui ne laissent aucun doute sur le fait que la première personne se réfère au nom de l’auteur ; section initiale du texte où le narrateur prend des engagements vis-à-vis du lecteur en se comportant comme s’il était l’auteur, de telle manière que le lecteur ne doute pas que le je renvoie au nom porté sur la couverture ; - De manière patente, au niveau du nom que se donne le narrateur-personnage dans le récit lui-même, et qui est le même que celui de l’auteur sur la couverture. On pourrait objecter que le roman a la faculté d’imiter le pacte autobiographique : c’est vrai que le roman du XVIIIe siècle s’est constitué en imitant les différentes formes de littérature intime, mais au même temps, cette objection ne tient pas si l’on pense que cette imitation ne peut pas remonter jusqu’au terme dernier, à savoir le nom de l’auteur : - Nom du personnage ≠ nom de l’auteur, où on exclut la possibilité d’une autobiographie, et donc on parle de roman ; - Nom du personnage = 0, où tout dépend de la typologie du pacte avec l’auteur et on a trois possibilités : on parle de roman si le pacte est romanesque, et donc le récit autodiégétique est attribué à un narrateur fictif ; on parle de autobiographie si le pacte est autobiographique car le personnage n’a pas de nom dans le récit, mais l’auteur s’est déclaré explicitement identique au narrateur ; la typologie est indéterminée si le pacte est zéro aussi, car non seulement le personnage n’a pas de nom, mais l’auteur ne conclut aucun pacte ; - Nom du personnage = nom de l’auteur, où on exclut la possibilité d’une fiction et même si le récit est historiquement faux, il sera dans l’ordre de la mensonge, et non pas dans la fiction. Si le pacte est zéro, le lecteur constate l’identité auteur-narrateur-personnage quoiqu’elle ne fasse l’objet d’aucune déclaration solennelle, mais si le pacte est autobiographique, le cas résulte le plus fréquent (ex. dans Les Confessions de Rousseau, le pacte figure déjà dans le titre). Il y a deux autres domaines à explorer dans le pacte autobiographique. Les cases aveugles font référence aux aspects de la vie de l’auteur qui sont omis ou ignorés dans le récit autobiographique. Ces omissions peuvent être intentionnelles ou involontaires et peuvent résulter de diverses raisons, telles que l’oubli, la volonté de cacher des aspects embarrassants ou douloureux, ou simplement la sélection de ce qui est jugé pertinent ou intéressant à raconter. Lejeune a examiné comment ces cases aveugles influencent la perception de l’authenticité et de la sincérité de l’autobiographie. Les lecteurs peuvent remarquer ces absences et les interpréter de différentes manières, souvent en se demandant pourquoi certaines informations ont été omises. Cela peut affecter la confiance entre l’auteur et le lecteur, qui est un élément central du pacte autobiographique. L’auteur anonyme, en revanche, est une figure intéressante car remet en question certains aspects fondamentaux de l’autobiographie, Professoressa Daniela Tononi notamment l’engagement de l’auteur à dire la vérité sur sa propre vie. Lorsque l’auteur choisit l’anonymat, cela complique la relation de confiance entre l’auteur et le lecteur, qui est au cœur du pacte autobiographique. L’anonymat peut créer une distance et introduire des doutes quant à l’authenticité du récit. Le lecteur ne peut pas vérifier l’identité de l’auteur, ce qui peut diminuer la crédibilité de l’histoire racontée. Lejeune a analysé pourquoi certains auteurs choisissent l’anonymat et comment cela affecte la réception de leur œuvre. Les raisons peuvent être diverses : protéger la vie privée, éviter des répercussions personnelles ou professionnelles, ou encore explorer des sujets sensibles sans crainte de jugement. Malgré ces défis, l’anonymat peut aussi offrir une liberté créative à l’auteur, lui permettant de s’exprimer plus honnêtement sur des sujets délicats. Lejeune a souligné que l’anonymat ne détruit pas nécessairement le pacte autobiographique, mais qu’il le transforme, en déplaçant le focus sur le contenu du récit plutôt que sur la vérification de l’identité de l’auteur. Ainsi, le lecteur doit juger l’œuvre sur la base de sa cohérence interne et de son pouvoir d’évocation, plutôt que sur l’authenticité factuelle de l’auteur. L’autobiographe est prisonnier d’une contradiction. D’une part il prétend raconter les événements passés avec un maximum d’exactitude et de sincérité : la mémoire est infidèle, le passé est coloré par le regard rétrospectif et la mise en forme discursive ordonne les pensées, les émotions qui ne peuvent être restituées avec leur spontanéité première ; d’autre part, souhaitant comprendre l’évolution de sa personnalité, le pacte est conduit à analyser, donc à structurer son histoire. C’est mieux parler alors de sincérité et de authenticité. Même le pacte a plusieurs types selon le nom du protagoniste : lorsque le personnage ne correspond pas au nom de l’auteur on parle de pacte romanesque, mais aussi quand on a pas le nom du personnage. Si le protagoniste a le même nom de l’auteur, on parle alors de pacte autobiographique. Le fait que l’autobiographie est un récit autobiographique en prose n’est pas toujours vraie : il y a quelques autobiographies en vers comme dans la déjà citée avant-garde ou dans Chêne et Chien (1937) de Raymond Queneau. Le roman est le genre où il y a plus des expérimentations, tandis que dans l’autobiographie il n’y a pas des règles par rapport au théâtre ou la poésie. Le premier vrai exemple de autobiographie de la littérature sont les Confessions (397) de saint Augustin. L’œuvre est le récit d’une expérience personnelle authentique, une analyse des états de conscience. On peut considérer le texte un modèle du genre autobiographique, car il y a les souvenirs, des fautes et des erreurs passées de l’auteur, et un regard rétrospectif ; en plus, l’auteur occupe deux fonctions dans l’ouvrage : pasteur est écrivain-narrateur. Il y a aussi trois protagonistes: Dieu, le monde des hommes et Augustin lui- même. L’unité du livre se réalise par la conversion qui permet le regard rétrospectif. L’expérience autobiographique est la recherche du vrai, qui est réalisée par le présent qui est relatif au passé. Le moi passé et le moi présent qui gardent les événements respectent la perspective qu’il a choisi et une deuxième lecture de son expérience. En revanche, Georges Perec a écrit un roman, La Disparition (1969), où il a raconté une histoire fictionnelle en ajoutant des épisodes de sa vie : la disparition de sa mère à Auschwitz. Le roman est un lipogramme, car il a été écrit sans jamais utiliser la lettre e, suivant l’une des contraintes de la littérature potentielle créée par l’association des écrivains et mathématiciens français OuLiPo. Quand on parle de autobiographie, il s’agit de montrer aussi sur quelle illusion naïve repose la théorie si répandue selon laquelle le roman serait plus vrai que l’autobiographie. Ce lieu commun, comme tous les lieux communs, n’a pas d’auteur, chacun, tour à tour, lui prête sa voix. Albert Thibaudet a donné au lieu commun la forme universitaire du parallèle, sujet idéal de dissertation, opposant le roman, profond et multiple, et l’autobiographie, superficielle et schématique. En effet, au moment même où en apparence les auteures rabaissaient le genre autobiographique et glorifiaient le roman, ils faisaient en réalité bien autre chose qu’un parallèle scolaire plus ou moins contestable : ils désignaient l’espace autobiographique dans lequel ils désiraient qu’on lise l’ensemble de leur œuvre. L’espace autobiographique est la dispersion des éléments autobiographiques derrière les personnages. Marcel Proust, par exemple, ne respecte pas la linéarité du texte : son écriture est métalittéraire. Dans le dernier livre de À la recherche du temps perdu (1913-1927), Proust a écrit que toute son œuvre est le roman de Marcel, donc la vie du personnage. Il a été influence par James Joyce et donc l’espace autobiographique est donné par le courant de conscience. Avec Les Mots (1964), Jean-Paul Sartre a voulu faire ses adieux à la littérature, Professoressa Daniela Tononi des méthodes comme la libre association, absentes dans l’autobiographie qui structure consciemment les souvenirs ; - Objectifs divergents, c’est-à-dire que alors que la psychanalyse vise à dissocier et analyser l’inconscient pour la guérison, l’autobiographie vise à créer un récit cohérent de la vie de l’auteur. L’autobiographie peut utiliser des éléments psychanalytiques mais tend vers la synthèse narrative plutôt que l’analyse pure ; - Résultats attendus, c’est-à-dire que la psychanalyse espère une modification de l’équilibre personnel du patient, tandis que l’autobiographie aboutit à un texte publié, potentiellement influençant l’auteur mais ne modifiant pas nécessairement son équilibre personnel. L’influence de la psychanalyse sur l’autobiographie est indirecte et superficielle. La vulgarisation du discours psychanalytique a permis de rendre moins tabous certains sujets comme la sexualité, mais elle n’a pas profondément modifié les méthodes autobiographiques essentielles qui sont des actes de synthèse vitale plutôt que d’analyse approfondie. L’autofiction Le XIXe siècle a bouleversé un peu les valeurs des Lumières et le roman autobiographique était pour l’auteur une manière d’écrire son point de vue. Au XXe siècle, Sigmund Freud a fondu la discipline de la psychanalyse, où il y a une conception du sujet tout à fait différente et on donne au moi des instruments pour s’affirmer et pour s’interfacer avec le réel. La différente perception de la réalité est du à deux avènements qui ont traumatisé la population : la Première et la Seconde Guerre mondiale. Après le 1918, en fait, l’homme a essayé de trouver des instruments pour s’enfuir par la description objective, parce qu’il s’aperçut que c’était impossible ; le réel s’affirme dans une perception subjective, et donc une même situation peut être racontée de manière absolument différente d’une personne à l’autre. Le réel donc ne reste jamais fixe dans une perception, donc cette perception est multiple par rapport au réel. Après, c’est justement le surréalisme qui s’est affirmé, pour proposer une manière parallèle au réel et pour résoudre les contradictions de la Première Guerre mondiale. Il y avait toujours un lien entre la littérature et les évènements historiques ou culturels. Ce lien est très important pour tous les siècles et surtout pour le XXe siècle, ce qui explique l’affirmation des avant- gardes ou des courants nouveaux, comme l’existentialisme. L’autobiographisme a alors changé : on a établi des pactes différents, surtout parce que les romans ont changé en suivant les transformations des avant-gardistes. Le surréalisme mit en question toute la tradition littérale. Entre les surréalistes, Stéphane Mallarmé a utilisé l’espace de la page comme élément poétique, ou encore Guillaume Apollinaire qui utilisait le néologisme surréaliste, par exemple dans le drame Les Mamelles de Tirésias (1917). Il interprétait une réalité qui est suggestive et qui fait voir des éléments qui échappent de l’interprétation objective, mais aussi qui est expliquée à travers la conscience et la subconscience. Le surréalisme donc était une manière de concevoir le réel, et en effet il continuait à faire une interprétation du réel différente. Le hasard est le facteur le plus important pour le surréaliste, mais c’est le hasard qui permet de vivre le réel de manière particulière ; on parle de hasard objectif, qui semble un oxymore : les surréalistes pensaient que le hasard intervient parce qu’il doit intervenir, c’est une nécessité, quelque chose qui doit se réaliser. Donc l’autobiographisme se transforme, et aussi le concept de sincérité et authenticité. Au XXe siècle s’est affirmé une autre forme de autobiographisme qui ne respecte pas les règles et qui permet d’analyser l’œuvre du XXe siècle, même s’il n’y avait pas le respecte de ces règles. Ce qui Lejeune avait déjà proposé était une interprétation de l’autobiographisme traditionnel, mais la littérature s’évolue et on trouve d’autres formes. Serge Doubrovsky était un écrivain du XX siècle qui a proposé une autre forme d’écriture intime. Deux ans après Le Pacte autobiographique, il a écrit Fils (1977), où il expliquait qu’est que c’est l’autofiction dans la quatrième de couverture ; après ça, Lejeune fera un autre pacte où il parlera de l’autofiction. Doubrovsky était un professeur de lettres qui a proposé le néologisme autofiction, un peu flou parce qu’il y a beaucoup de définitions. Le point de départ c’est l’interprétation de Professoressa Daniela Tononi l’autobiographie en tant que genre réservé aux importants du monde : c’est un récit rétrospectif. Le terme est composé du préfixe auto-, du grec αυτος qui signifie soi-même et de fiction. L’autofiction est un genre littéraire qui se définit par un pacte oxymoronique ou contradictoire associant deux types de narrations opposés : c’est un récit fondé, comme l’autobiographie, sur le principe des trois identités, car l’auteur est aussi le narrateur et le personnage principal ; il se réclame cependant de la fiction dans ses modalités narratives et dans les allégations péritextuelles, comme le titre ou la quatrième de couverture. On l’appelle aussi roman personnel dans les programmes officiels. Il s’agit en clair d’un croisement entre un récit réel de la vie de l’auteur et d’un récit fictif explorant une expérience vécue par celui-ci. L’autofiction est le récit d’évènements de la vie de l’auteur sous une forme plus ou moins romancée avec l’emploi, dans certains cas, d’une narration à la troisième personne du singulier. Vu que c’est une interprétation fictive d’une expérience vécu, Doubrovsky a raconté dans son roman des expériences qu’il a fait aux États-Unis, mais il a inventé des scènes. L’autofiction possède une caractérisation fonctionnelle et une caractérisation thématique, mais elle doit être un récit où le langage fonctionne comme point d’affirmation du moi. Lorsque on parle d’autofiction on trouve toujours l’aventure du langage en liberté sans être obligé par le registre de l’autobiographie par certaines règles. Par exemple, le critique littéraire Gérard Genette a dit que dans le cas des œuvres de Proust, il s’agit d’autofiction, et en effet la syntaxe française n’est pas respectée ; c’est pour cela que c’est très difficile de traduire Proust, parce qu’il y a par exemple des paragraphes très longs où on perde le sujet. D’autres éléments de la syntaxe sont aussi présents qui bouleversent le sujet dans l’autofiction, comme la suppression du sujet, mais le facteur qui ne peut pas être respectée dans la traduction en italien, c’est la musicalité de la langue française, qui donne un sens même s’il s’agit d’une phrase très compliquée, et donc la traduction pose des problèmes. Doubrovsky a écrit : « Tous les faits et gestes du récit sont littéralement tirés de ma propre vie », donc le pacte est établi. Le premier point, c’est-à-dire la caractérisation fonctionnelle, c’est une manière pour les vies ordinaires de s’exprimer à travers la littérature, tandis que la caractérisation thématique est un contenu vrai de la vie de l’auteur et aussi référentielle, c’est-à-dire une référence qui se trouve à l’extérieur du texte, qui est l’auteur. Dans la caractérisation formelle, en revanche, il n’y a pas la succession chronologique, il s’agit plutôt d’un discours riche des références méta-textuelles et des références de l’écriture in fieri, c’est-à-dire qui va se construire. On ne trouve pas cela dans l’autobiographie. Le langage se lie à l’écriture intime, et c’est pour cela qu’il y a la scripturalité, des éléments placés dans une manière déterminée. C’est une transformation du langage et c’est une manière de manifester la scripturalité, c’est-à-dire les mots dans leur sens concret. La scripturalité est ce qui permet à l’autofiction de se démarquer par rapport à l’autobiographie, et permet d’approcher le lecteur au roman : ce pacte oxymorique est établi aussi dans le langage. On considère aussi l’authenticité, donnée par la fonction de la psychanalyse. Doubrovsky a affirmé qu’il est au même temps le psychanalyste et le psychanalysé : la psychanalyse permet de voir l’authenticité du moi et donc du récit et de reconstruire sa vie à travers le langage, et en effet le principe de l’authenticité est respecté, même s’il y a une partie inventée. Par exemple, Mallarmé a écrit le poème Un coup de dés jamais n’abolira le hasard (1914). Il a été écrit dans une période particulière à cause de la guerre et c’est l’histoire d’un homme qui est survécu à un naufrage et qui veut voir ce qui sera de sa vie, toute autre interprétation de la littérature et de la poésie. Même la lecture n’est pas facile : ce poème permet de voir l’esthétique de Mallarmé et donne l’idée d’une littérature qui prend en considération la page, l’espace et le monde. Dans Le Pacte autobiographique, Lejeune a affirmé qu’il n’existe pas une autobiographie où l’auteur est aussi un personnage autofictionnel : en effet on savait que l’œuvre de Proust n’était pas une autobiographie, mais on ne savait pas quel genre était-t-il. Dans un extrait tiré des pages 31-32, Lejeune a continué en disant qu’un roman où l’auteur est le personnage pourrait exister mais n’existe pas encore. Il l’a décrit comme un jeu pirandellien d’ambigüité, quelque chose qu’on ne peut pas définir. Cette définition change dans la deuxième édition, parce que après la publication de l’œuvre de Doubrovsky, son opinion change, lorsque on a la définition d’autofiction. Professoressa Daniela Tononi André Breton et Nadja Le surréalisme a publié deux manifestes, dont le premier est le Manifeste du surréalisme (1924), où on parle de l’écriture automatique, c’est-à-dire une écriture sans l’intervention de la raison : on prend une page blanche et on écrit tout ce qu’on passe par la tête. C’est une pratique surréaliste, une manière pour faire parler la subconscience. Les deux penseurs qui sont importants pour les surréalistes sont Sigmund Freud et Karl Marx, donc le surréalisme est une manière de construire une sorte d’opposition à la situation de l’époque : en 1924, en effet, la guerre était encore récente. Il faut toujours souligner qu’il ne s’agit pas d’un mouvement lié à la politique, et lorsque la politique entre dans le surréalisme, c’est la deuxième époque du surréalisme. Garder l’autonomie par rapport à la politique est important pour les protagonistes du surréalisme, même s’ils s’inspirent à deux penseurs politiques. André Breton est le fondateur du surréalisme, qui a été aussi un mouvement artistique qui est né après un autre mouvement, le dadaïsme. La différence entre les deux est que le dadaïsme détruisait sans proposer rien d’autre par rapport à la destruction : même le mot dada ne signifie rien, ce n’est que le mot que les enfant disent avant de commencer à parler ; le dadaïsme met en question le langage et la structure de la phrase. Breton, qui faisait partie du dadaïsme, fondé par Tristan Tzara, a formé un autre mouvement avec la différence que le surréalisme propose quelque chose après la destruction : l’opposition à la tradition ; en réalité quelque chose est repris de la tradition, par exemple les poètes maudits. Dans le Second Manifeste du surréalisme (1930), on met en question l’écriture automatique parce qu’elle ne donne pas vraiment des textes littéraires. Le seul roman écrit avec l’écriture automatique a été Nadja (1928) de Breton, mais avec l’intervention de l’auteur : lorsque on a découvert le manuscrit de Nadja tout le monde était bouleversé parce qu’il respectait effectivement l’écriture automatique, mais successivement Breton a apporté des corrections. Nadja est une femme qui est existée vraiment, avec laquelle Breton a eu une relation ; après l’interruption de leur rapport, il a commencé à écrire l’histoire passé avec cette femme. C’est une histoire qui a eu la durée d’une seule semaine, mais vécue de manière surréaliste. Pour les surréalistes, l’amour est une manière de reconstruire l’unité androgène et Breton était sûr que cela va passer, donc c’est un hasard objectif : ce n’est pas un amour dans le sens romantique du terme. Nadja est le symbole du surréalisme et la seule personne qui a vécu de manière surréaliste la vie. En effet Nadja avait demandé à Breton de lire un roman sur elle. Donc, il s’est trouvé dans le manoir d’Ango, et il a commencé à écrire ce récit, mais avec une première version en 1927 qu’il n’a terminé pas, parce qu’il a rencontré une autre femme, Suzanne Muzard, et donc il a décidé de dédier le livre à elle et terminer le roman de manière différente. Par exemple il a éliminé l’épisode du rapport sexuel avec Nadja ; puis, après plusieurs années, il y aura une autre version. C’est un livre très particulier où il y a aussi des photographies ou des dessins : le XXe siècle était en effet caractérisé par les images, les photos et surtout les dessins. On a un étroit lien entre le texte et l’image : lorsque on trouve des cartes postales ou des photos de lieux, c’est parce que dans l’écriture surréaliste on ne trouve pas une description des lieux, par exemple on a l’allusion à un hôtel, mais ce n’est pas une description, parce qu’elle est entendue comme une séquence réaliste, et donc on trouve la carte postale. Dans le texte, Breton a utilisé la première personne, mais il y a des éléments qui sont évidemment fictifs, et donc Nadja est un vrai exemple de autofiction. Si on considère le titre, ce n’est pas le nom de Breton donc il n’y a pas la coïncidence entre le sujet écrivant et le nom du titre. L’œuvre commence par la question Qui suis-je ?, qui est une des réflexions qui permet au lecteur de voire pourquoi Breton se pose le problème dans cette découverte d’un moi qu’il ne connait pas. En lisant Nadja, on contribue à la construction du roman. Breton a donné une sorte de critique de la critique contemporaine, qui se limitait à des petites incursions sur la dimension la plus intime de l’auteur. Ce sont les moments où l’auteur s’exprime mais en toute indépendance. Il y a aussi des référence à la littérature traditionnelle comme celle de Victor Hugo. Après, avant de rencontrer le personnage de Nadja qui se trouve dans la seconde partie du livre, Breton a donné des principes surréalistes. La différence entre Breton e Nadja est que la femme ne comprend jamais la différence entre le réel et le surréel : elle se sent toujours dans le surréel et c’est pour ça qu’elle va devenir folle. On trouve dans le texte beaucoup d’éléments surréalistes, comme des fenêtres qui changent couleurs, Nadja qui pense écouter les morts pendant une promenade Professoressa Daniela Tononi a rencontrée en préparant l’oral et dont la vie ne le séparera plus. Leur relation a été marquée par des débats philosophiques et littéraires intenses. Ils se considéraient comme des doubles, égaux et libres, partageant un souci de transparence. De Beauvoir savait que Sartre ne recherchait pas la monogamie, mais ils concluaient un pacte de sincérité absolue. Incorporé le 3 septembre 1939, le soldat Sartre, chargé des sondages météorologiques, a passé ses longs moments de loisir à lire et à écrire quotidiennement. Tout en entretenant une abondante correspondance, il a terminé le premier volume de Les Chemins de la liberté (1945-1949) et, surtout, a commencé un journal de guerre. Le jour de son anniversaire, le 21 juin 1940, il est fait prisonnier à Baccarat, puis transféré à Trêves, en Allemagne. Évadé en mars 1941 et revenu à Paris, il a tenté de former un réseau de Résistance intellectuelle. Revenu des camps de prisonniers où il a découvert la solidarité, Sartre, abandonnant l’individualisme pacifiste d’avant-guerre, a souhaité agir, donc devenir un écrivain engagé. C’est dans le domaine idéologique qu’il s’est aventuré en premier lieu, choisissant d’exprimer dans une revue sa conception de l’écrivain responsable. Il a publié alors Qu’est-ce que la littérature ? (1947), réflexion stimulante sur la littérature et la politique, manifeste de la littérature engagée. Mais son talent d’auteur dramatique s’est révélé avec Les Mouches (1943), puis Huis clos (1944). Désormais, Sartre faisait partie du Tout-Paris des lettres et des arts : à Saint-Germain-des-Prés, il a fréquenté Pablo Picasso, Michel Leiris et Albert Camus. En automne est paru Réflexions sur la question juive (1946), où Sartre a souligné le silence dont est entouré le retour des déportés juifs rescapés des camps. L’essai biographique que Sartre a consacré à Charles Baudelaire en 1947 est une première expérimentation de psychanalyse existentielle qu’il emploiera à d’autres écrivains tels que Jean Genet, Stéphane Mallarmé ou Gustave Flaubert. Sartre ne retraçait pas en détail la vie du poète mais s’attachait essentiellement sur sa chute et son projet en tentant de revivre par l’intérieur ce que fut l’expérience de Baudelaire, prototype quasi légendaire du poète maudit. On peut distinguer trois périodes dans les relations difficiles que Sartre a entretenu avec le Parti communiste français : - De 1941 à 1949, Sartre a occupé une position ambivalente, marquée par l’hostilité du PCF ; - En 1949, il est devenu un compagnon de route en manifestant un soutien absolu et enthousiaste au parti communiste ; - En 1956 s’est produit la rupture. En 1964, le prix Nobel de littérature a été officiellement décerné à Jean-Paul Sartre, qui l’a refusé. Ce refus a fait scandale et a été diversement interprété, les uns ne voyant là qu’une manifestation d’orgueil, tandis que d’autres, sans doute plus proches du philosophe, approuvaient son refus de se laisser transformer en institution. Le double rapport entre vie vécue et récit de la vie se trouvait en revanche dans Baudelaire (1947) et Question de méthode (1957). Sartre a fait ses adieux à la littérature avec une autobiographie, Les Mots (1963). Après avoir écrit les biographies de Baudelaire et Mallarmé, Sartre s’est occupé de sa propre autobiographie. Dans tous ces cas, Sartre a utilisé le registre de l’imagination à travers l’idée de la psychanalyse existentielle. L’autobiographie touche toutes les préoccupations de l’auteur et la nature de l’homme, dont la relation entre la projection de la vie prédestinée et la nature est compliquée. C’est une opération citée comme difficile par Sartre lui-même, qui a affirmé qu’il est difficile de créer une bonne autobiographie parce que la vie d’une personne est difficile à écrire de manière authentique. Le passé est en effet toujours sujet à des modifications; il remet également en question la véracité de certains événements, surtout si l’on parle de petits souvenirs d’enfance. Le passé est aussi soumis à des transformations et n’est jamais comme il s’est réellement déroulé. Pour Sartre, l’autobiographie est donc caractérisée par une impossibilité éclatante : dans Les Mots, il a déclaré qu’on ne peut pas écrire une autobiographie réelle et authentique. L’autobiographie de l’auteur est aussi un travail d’imagination pure, et dans La Nausée, il est très évident que l’auteur a crypté la vie du protagoniste à travers l’imagination. Dans l’incipit de Les Mots, Sartre disait déjà qu’il a détesté son enfance et qu’il a remis également en question la véracité de ce qu’il a écrit. Cette œuvre a été écrite en dix ans divisée en Lire qui parle du grand-père et Écriture qui parle de la réalisation de sa vocation. Aux pages 58-59 de l’œuvre, l’auteur dit : « Ce que je viens d’écrire est faux. Vrai. Ni vrai ni faux comme tout ce qu’on écrit sur les fous, sur les Professoressa Daniela Tononi hommes ». C’est ici qu’il a précisé une fois de plus que l’écriture d’une vie n’est pas vraie en tant qu’éloignée de la réalité vraie, mais non fausse. À partir de Le Pacte autobiographique, Lejeune avait déjà écrit que le pacte est de fiabilité entre l’écrivain et le lecteur. Sartre a dit encore que les hommes vivent pour leur destin, donc projetés en avant sur ce qu’ils peuvent devenir et non sur leur vécu, et donc tout ce qu’ils font n’est ni vrai ni faux. Vivre et exister ont en effet deux significations différentes pour Sartre. Exister signifie faire des actions, tandis que vivre signifie faire des projets selon le destin. Dans L’existentialisme est un humanisme (1946), Sartre n’a utilisé jamais le terme vivre, car selon lui, le vrai être est exister. Il a affirmé dans le texte qu’on doit respecter les attitudes que la mémoire permet : à travers Les Mots, il voulait raconter de quelle façon il est devenu Jean-Paul Sartre. L’enfance a été très particulier pour Sartre parce qu’il a perdu très tôt son père et donc il s’est toujours considéré un orphelin ; il a été aussi abandonné par son mère, tant qu’elle ne l’allaitait pas. Cet orphelinage a conditionné tout sa vie de philosophe et d’écrivain. Il pensait aussi qu’il n’avait pas le droit de vivre sur la Terre, et toute cette mélancholie se rapporte dans le texte. On a aussi la description de sa famille, surtout le personnage de son grand-père, qui lui a permis de devenir un auteur. Il a décrit aussi la manière dont il a découvert la littérature à travers la culture de son grand-père. Sartre a affirmé clairement qu’il a vécu un enfance avec les adultes. Aux pages 202-203, on explique encore mieux le rapport entre passé et avenir, et il y a aussi une nouvelle interprétation de la mort : le seul chemin que l’homme peut prendre est la mort, qui est chaque fois plus proche. Le temps qui passe et l’évolutionnisme sont donc des catastrophismes, des bouleversements du passé, de l’avenir e de la mort. Sartre a fait aussi une auto-textualité quand il a écrit : « […] par exemple, pour que l’Oreste des Mouches accomplisse sa conversion », et donc il a cité son propre texte. Cette citation est colloquée pour dire que tous les personnages de son théâtre représentent tout ce qu’il a voulu être dans la vie, dans ce cas Oreste. De manière paradoxale, même les ouvrages biographiques comme Baudelaire parlent de Sartre lui-même. Après, il a dit : « Je devins traître et je le suis resté », et donc lorsque il évoquait un souvenir, il le trahissait et devenait infidèle à ses propres émotions de ce moment-là. Dans les expressions, on a le rapport entre le moi du passé et le moi du présent. Dans l’incipit, il avait parlé de son enfance de manière énigmatique, tandis qu’ici il mettait en question son rapport avec ses parents. L’engagement littéraire est puis la prise de conscience de l’écrivain du fait que son ouvrage peut avoir une fonctionne dans la société et peut la transformer et conditionner. L’écrivain engagé a une mission et Sartre était un écrivain engagé. On a donc le concept de projet qui est lié à la pensée existentialiste : finaliser l’homme en tant que projet. L’homme est lui-même un projet qui se construit à travers ses actions. Sartre a bouleversé la succession entre présent et passé et dans son œuvre on trouve toujours le rapport entre ce deux moments, dont le passé est moins important du présent, et le futur. C’est à travers l’écriture que l’écrivain devient immortel : se transformer en quelque chose d’immortel est le but de Sartre. Selon lui, Baudelaire et Flaubert, par exemple, ne se situent pas dans une dimension mortelle grâce à leur écriture et leurs ouvrages. Mallarmé, c’est le dernier écrivain du XIXe siècle qui anticipe la modernité. Il a écrit Un coup de dés jamais n’abolira le hasard, où les mots se placent d’une façon particulière dans la page : la page et les espaces blancs deviennent partie de l’œuvre. Le projet de Mallarmé était d’écrire un livre appelé Le Livre, qui devait être le symbole de l’inachèvement littéraire, du texte qui n’est pas finis et qui deviendra central au XXe siècle. L’impossibilité de l’écriture est de conclure un projet : l’incomplétude comme part intégrant de l’œuvre littéraire. Quand Sartre a cité Mallarmé, il a cité justement l’impossibilité de conclure l’œuvre littéraire. Dans Les Mots il y a aussi une réflexion sur la pesanteur des mots, une idée liée à la matérialité du langage. Dans la première version de l’œuvre il a dit que ce qui manque est cette légèreté : il y a des mots qui sont trop lourdes et qui donnent tristesse. À la page 13, il a parlé de sa mère. Après la mort de son père, jugée comme insolente, la mère de Sartre a été considérée comme une étrangère. Elle était aussi appelée Anne-Marie, donc avec son nom, pas mère. Le syntagme Anne- Marie et moi a été considéré par des savants le symbole d’un couple qui a un rapport incestueux. D’une manière générale, il s’agit d’une enfance difficile dont il est difficile de déchiffrer les ratures. En poursuivant l’analyse, à la page 19, Sartre a parlé de la vocation de devenir un écrivain, liée à la profession de son grand-père, qui était un professeur de littérature. Leur rapport était de respect mais Professoressa Daniela Tononi aussi ironique, vu qu’il remarquait la soi-disant ironique sartrienne. Son grand-père représentait la bourgeoisie du temps, sorte que Sartre a dit qu’il jouait le rôle de Victor Hugo. Son souvenir de son grand-père est indiqué par la métaphore de la lanterne magique, un spectacle du XVIII siècle qui avait un grand succès en France où on projetait des ombres de monstres ; le souvenir est donc une suggestion, quelque chose de confus. Le registre utilisé est celle du fantasmatique car c’est le moment où Sartre a essayé d’éliminer sa vocation avec cette œuvre. Pour être écrivain, il faut fausser l’écriture, et donc Sartre pensait qu’il n’y a plus de raison d’écrire. Aux pages 51-53, Sartre a présenté en revanche le personnage du grand-père en disant qu’il avait une interprétation cléricale de la littérature : il avait des difficultés à reconnaître la grandeur des auteurs parce que si Dieu existe, alors le monde s’exprime à travers lui, pas à travers les hommes. Tout ça s’oppose à l’athéisme de Sartre et en général tout le mouvement de l’existentialisme. Sartre ne suivait pas des règles morales pour sa contrariété à la religion. Cette partie est aussi importante pour mettre en évidence le rapport entre Sartre e le communisme. Les Mots est né en effet d’une réflexion politique sur le marxisme qui n’est pas très claire dans la lecture. Sartre était un auteur engagé qui prévoyait un rapport avec la politique de l’époque. Les marxistes critiquaient Sartre parce qu’il poussait à la révolution de l’individu. Il a également dit que la littérature était impossible, en fait, il n’est pas allé chercher le prix Nobel qu’il a reçu. Aux pages 37-38, les éléments à remarquer et à lire avec attention sont : - Le referment intertextuel Les Contes du poète Maurice Bouchor, une citation d’un autre écrivain et d’une autre œuvre qui établit une connexion entre le texte et le texte cité. En citant Maurice Bouchor, lequel a gardé le monde du point de vue de l’enfance, Sartre voulait suggérer au lecteur la manière avec laquelle il doit lire ce qui suit. Donc, quand on trouve des éléments intertextuels, il faut trouver une raison qui explique pourquoi l’auteur a cité cette ouvrage ou cet auteur, quelque chose qui permet de lier ces deux textes ; - Cérémonies d’appropriation où le mot cérémonie est important pour la famille de Sartre ; - La matérialité du texte car on peut parler d’une approche matérielle du texte (ex. Je les palpai) ; - Phrases inachevées, car c’est l’inachèvement des phrases que Sartre aimait le plus ; - Métamorphose du texte, car le texte devient découpé. Il est nécessaire d’avoir une sorte d’intermédiaire qui, dans ce cas, est la mère de Sartre ; - Il faut remarquer tous les termes et adjectifs que Sartre a utilisé pour décrire sa mère : l’auteur a écrit que c’était le livre qui parlait, car la mère, qui était en train de lire un livre, disparaît et c’est son livre qui parle ; - Registres particuliers comme le registre des animaux, le registre linguistique, le registre des contes de fée et nombreux répétitions ; - Sans se sourcier de moi, phrase dont Sartre voulait dire que même les mots et les livres s’inquiètent pour lui ; - Description de la lecture d’une manière étrange parce qu’il y a un paragraphe qui dit que les mots se transforment en quelque chose de matériel ; - La référence à Babette, un personnage dont on ne sait rien ; - Avec son aire d’aveugle extra-lucide est une expression oxymorique. Dans l’œuvre Pourquoi et comment Sartre a écrit « Les Mots » (1997) de Jean-François Louette, l’auteur a expliqué ce qu’est un universel singulier : « Qu’est-ce que l’universel singulier ? Autant le dire brutalement, quitte à s’expliquer ensuite : à la fois une, voire la contradiction centrale de l’œuvre sartrienne, un défi jeté à la dialectique, et un principe d’écriture ». Dans le paragraphe des pages 37- 38, on fait référence à une scène que selon Louette se trouve au cœur du problème de l’universel singulier. Le contenu de la scène est celui d’une double liaison existentielle : la condition humaine, puisqu’ici Sartre a laissé paraitre son angoisse de la mort, et la mère, puisque cette scène, qui Professoressa Daniela Tononi première phrase de La Recherche se trouve même déjà dans Contre Sainte-Beuve. Ce dernier est un essai polémique contre le critique Charles Augustin de Sainte-Beuve, qui avait affirmé que la richesse des œuvres devait être recherchée en enquêtant sur la vie de l’auteur. Pour contredire ce qu’a dit le critique, Proust s’est mis alors à écrire de petits récits plagiant Zola et Balzac. Il s’est consacré ensuite à sa plus grande œuvre, s’isolant dans sa chambre. Proust avait décidé que le personnage principal de La Recherche devait s’appeler Marcel, même s’il n’était pas lui-même : ce n’est donc pas une œuvre autobiographique. Dans La Recherche, tout le monde est impliqué, y compris le lecteur, non seulement parce qu’elle traite de thèmes universels tels que l’amour ou l’art, mais parce que c’est une œuvre écrite à la première personne. Le style du roman n’a rien à voir avec le roman du XIXe siècle, mais il est plutôt similaire au style de James Joyce, et en particulier la technique du flux de conscience. Tout au long de l’œuvre se trouve également le thème de la mémoire. La mémoire involontaire, en particulier, est la mémoire qui est activée par une odeur ou un goût qui déclenche et réémerge une sensation, pas le souvenir bien défini. Le moi récupère alors le souvenir et le porte à la conscience à travers la mémoire volontaire, récupérant un temps pur hors du temps réel, c’est-à-dire ce qu’il recherche dans le titre du roman. Au début, Proust a donc essayé de transformer son œuvre en sa revanche contre ceux qui le considéraient comme un homme extravagant et il a compris que seul l’art pouvait le permettre. Il écrivait dans l’essai Contre Sainte-Beuve que seule la littérature et le filtre de l’art permettent de comprendre la vraie vie. S’il s’enfermait dans sa chambre, c’était parce qu’il compensait ce qu’il ne pouvait pas faire dans sa vie. Il souffrait d’asthme et donc c’est là qu’il récupérait ses sensations, il couvrait sa chambre de liège pour ne pas laisser passer les bruits extérieurs. Les premiers volumes de La Recherche ont été publiés en Europe avec une vivacité intellectuelle. En Italie, il y avait l’attention sur le récit qui enquêtait sur l’âme humaine, de matrice freudienne. Giuseppe Ungaretti ou Samuel Beckett s’intéressaient à Proust comme auteur sentimental, psychologique et bergsonien. Mais les intellectuels européens se sont concentrés sur la mémoire liée à l’élasticité du temps. C’était la période de la Première Guerre mondiale et l’introspection et la réflexion sur l’ego étaient des moyens de s’éloigner d’une réalité dévastatrice. Malgré cela, Proust n’a jamais fait référence au Paris fantasmagorique et surréaliste de la guerre parce qu’il ne voulait pas transformer les combats en sujet littéraire. Pour cette raison, la mémoire qui se trouve dans le roman est une mémoire intime, pas une mémoire historique. La traduction de À la recherche du temps perdu Dans les années 1930, l’intérêt pour Proust est diminué mais il a reçu néanmoins de l’intérêt en Italie d’après-guerre quand il a été traduit pour la première fois en italien, intriguant le public. Les premiers à s’approcher de son œuvre ont été Benedetto Croce et le francophone Giovanni Macchia, ainsi que Gianfranco Contini et Giacomo Debenedetti. L’œuvre de Proust est devenu alors le moteur du récit qui démontrait le rôle de première importance que Proust a assumé au niveau européen. Des auteurs comme Giorgio Bassani, Italo Calvino, Gianni Celati, Carlo Emilio Gadda, Eugenio Montale, Elsa Morante, Alberto Moravia, mais aussi des réalisateurs comme Luchino Visconti et Jean Luc Godard se sont occupés de son œuvre. Ce qui intriguait tous ces intellectuels, c’était la triangulation personnelle entre modèle, structure et écriture. Après Proust, cependant, beaucoup de littérature n’enquêtait plus sur la réalité, il fut un seul cas de révolution. Les premiers à être attirés par son écriture, mis à part les critiques, étaient des femmes parce qu’elles retrouvaient dans son écriture la densité et l’épaisseur de la vie, le sentiment et une sensibilité qui la rendaient intéressante et dans laquelle elles se reconnaissaient beaucoup. L’attention portée à la particularité a fait que l’une des premières traductrices a été Natalia Ginzburg. Quand on lui proposa de le traduire en 1937, elle ne l’avait jamais lu mais elle a accepté l’entreprise. Le résultat a été une traduction particulière dans laquelle elle a cherché à ramener la langue de Proust à un italien très familier avec un lexique familier, comme le rappelle le titre de son œuvre, Lessico famigliare (1963). Dans cette œuvre de Ginzburg se trouvait la description du jeune Debenedetti, décrit comme un proustien fervent, le premier qui ait écrit de Proust en Italie, soit par la traduction, soit par un essai qui lui est dédié en 1925. Debenedetti Professoressa Daniela Tononi a parlé de la traduction de Ginzburg en disant qu’il avait fait un sliricamento de la langue proustienne. En fait, elle a fait une traduction principalement orientée vers la langue cible, avec un italien daté qui vieillit rapidement nécessitant une nouvelle traduction; les traductions de Debenedetti ou de Giorgio Caproni qui sont plus proches de l’original, apparaissent plus contemporaines. La narration dans la traduction de Ginzburg se concentre sur la netteté des détails et de la précision, loin des métaphores et des nuances de l’original, et il y a un échange dense de voix qui n’est pas présent dans Proust. Dans cette traduction, il semble que Proust veuille courir après le temps, ce qui rend le texte beaucoup plus rationnel. Debenedetti a dit que le glissement de Ginzburg est en réalité présent aussi dans Proust, mais il a critiqué sévèrement son travail inexpérimenté comme l’utilisation de certains adjectifs (ex. général traduit par generico). Dans La Recherche se trouvent des éléments qui n’avaient jusqu’alors jamais été racontés, qui permettent selon Debenedetti de faire émerger une population dense, c’est- à-dire les multiples moi; d’une manière ou d’une autre, il a parlé d’un piège pour descendre les hommes intimement. Malgré la fragmentation de son écriture, la grandeur de Proust est d’avoir construit une œuvre unitaire, donc appelée œuvre cathédrale. Au début, l’œuvre de Proust devait s’appeler Les intermittences du cœur ; dans ses projets, Debenedetti parle alors de ce que devaient signifier ces intermittences du cœur, c’est-à-dire la référence à la mort de la grand-mère. La découverte de l’essence des choses n’est pas une recherche active mais un événement passif. Proust parle de personnages et de choses au début avec leur manifestation apparente, puis plus loin dans leur essence la plus profonde. Le rapport entre temps perdu et vocation littéraire est ensuite esquissé au moment de la madeleine où Marcel récupère le souvenir des jardins de l’enfance de la saveur du biscuit trempé. Debenedetti parlant de Proust parle en réalité de lui-même, donc ce n’est pas seulement une critique externe, mais une identification. Après le phénomène de la mémoire involontaire, le texte contient le thème de l’illusion : Proust parcourt toutes les pièces où il a vécu, qui sont insignifiantes pour les êtres actifs ou êtres ordinaires, alors qu’elles sont significatives pour les êtres passifs ou êtres extraordinaires comme Proust, qui a vécu toute sa vie dans sa chambre. Et c’est précisément dans la chambre qu’il applique pour la première fois le procédé de la mémoire, se souvenant du jour où sa mère ne lui a pas donné le baiser de bonne nuit. Le moi profond est caché et oublié et le temps n’agit pas sur lui, c’est donc un ensemble qui reste reclus et qui réapparaît brusquement à la surface, faisant revivre le passé intégral, celui qui n’est pas corrompu. Cette évocation anachronique est appelée temps pur, vivant dans le présent. Le Nouveau Roman Apparu au milieu des années 1950, le Nouveau Roman était d’abord un groupe d’écrivains, au départ Michel Butor, Alain Robbe-Grillet et Nathalie Sarraute, qui renouvelaient en profondeur les conventions romanesques héritées du réalisme et du naturalisme, comme la linéarité, la description du personnage et sa psychologie, mais aussi l’identité du personnage. Il y a plusieurs éléments qui changent par rapport au roman traditionnel, par exemple une transformation du récit. Lorsque on parle de Nouveau Roman, c’est une sorte d’expression inventée par la presse, qui a été une expression dénigrante, c’est-à-dire pour miner l’originalité de ce groupe, une expression dont la finalité était de s’opposer à ce nouvel écrivain qui faisait partie de ce groupe. Il ne s’agit pas d’une école : tous les écrivains avaient des âges différents et ils utilisaient des procédées différents, une manière des transformer les romans qui n’est pas la même pour tous ; ils ne partageaient que le renouvellement du roman. Honoré de Balzac était défini le romancier du réalisme, et donc le Nouveau Roman refusait son réalisme, mais aussi la littérature engagée, et donc il était en opposition à Sartre et au roman existentialiste. Le Nouveau Roman était caractérisé par : - Le rejet du référentielle, quelque chose qui permet de construire un pont entre le roman et l’époque et la société qui l’a produit : tous ce qu’on trouve dans le roman trouve des référence au dehors ; - La dissolution de l’intrigue, par exemple le Nouveau Roman parle de l’enfance, mais il n’y a pas vraiment d’intrigue, il n’y a pas une évolution du personnage. Professoressa Daniela Tononi - La dégradation de la chronologie et la liquidation du sujet, car il est très difficile de comprendre à quelle personne fait référence la voix qui raconte, on ne sait pas s’il est le personnage, l’auteur ou le narrateur : le lecteur est laissé dans l’ambigüité totale. Après la Seconde Guerre mondiale, et après les recherches de Freud et de tous ces qui se sont occupés de la psychè humaine, le sujet n’était plus unitaire ; on devait traduire en mot cette pluralité du sujet, un sujet qui se décompose et se multiplie. Lorsque le sujet devient multiple et le lecteur voit sa dissolution du sujet c’est plus simple pour lui se reconnaitre dans un sujet ambigu. Le roman commence par exemple par vous, après il devient nous et puis il devient je : c’est une transformation de la voix et c’est effectivement la prise de conscience du personnage. C’est ce que Natalie Sarraute a fait dans le roman de son enfance, où elle a utilisé trois voix pour le même personnage. Le Nouveau Roman s’organise à partir de manques et de fragments, donc il y a un style fragmentaire : il ne s’agit pas d’une description linéaire. C’est l’écriture de l’absence, du manque. C’est en analysant les manques qu’on peut construire l’histoire, on ne doit pas combler les vides. Dans le Nouveau Roman on a aussi un mélange entre fiction et témoignage, et donc les auteurs disaient qu’on peut utiliser un peu de fiction pour mentir, mais tous les éléments biographiques fictifs ne mettent pas en discussion les éléments biographiques réelles. Nathalie Sarraute et Enfance Enfance (1983) est une autobiographie écrite par Nathalie Sarraute où elle racontait, sous la forme d’un dialogue entre elle-même et sa conscience, ses souvenirs d’enfance rassemblant ses 11 premières années. Cette période est déchirée entre ses parents, divorcés, et entre la Russie et la France. Sarraute a essayé d’être aussi sincère que possible, et cette œuvre s’avère une sorte d’introspection où elle s’interrogeait sur la véritable nature de sa mère, froide et distante, et qui a fini par l’abandonner à son père vers l’âge de 8 ans et demi, en février 1909. Toutefois, vers la fin du livre, elle a expliqué comment elle est parvenue à renouer tardivement le lien avec sa mère. Ce livre est écrit sous forme de dialogue entre deux parties d’elle-même, c’est ce qui rend le livre original. Les voix possèdent deux différentes positions à l’égard du travail sur ses mémoires. L’une assume la conduite du récit et l’autre est la conscience critique. La seconde freine parfois la première et la met en garde contre les risques de forcer l’interprétation ou inversement la pousse à l’approfondir. Le système des deux voix dédouble le livre : un récit d’enfance et un témoignage sur la méthode d’investigation du passé élaborée par l’auteur pour déjouer les pièges traditionnels de l’entreprise autobiographique. Aux pages 4-7, le texte part avec un dialogue ambigu avec des mots déplacés, parce qu’on ne comprend pas qui parle. Il y a un manque de linéarité chronologique, donc la parole domine le texte et permet la construction du texte. La répétition des mots s’appelle rumination, une sorte d’élément qui fait partie de la vie de Nathalie Sarraute. Il y a un silence qui est présent dans le texte, un silence qui dérive du rapport avec sa mère parce qu’elle le disait qu’elle devait bien prononcer les mots. La mère de Sarraute était une écrivaine de comtes, et Sarraute s’opposait toujours aussi d’un point de vue de l’écriture. La mère lui imposait de recopier les comtes écrits par elle: cet exercice a permis de voir la domination de l’écriture. Il y a plusieurs éléments de la narration, stratégies nouvelles, aussi définitions bizarres comme le tropisme, un mot qui vient de la biologie, qui est la manière par laquelle le tournesol gère son mouvement pour se tourner vers le soleil, et sa conversation et ses dialogues s’adaptent au style des autres ; on réponde à une sorte de sollicitation dans un dialogue, sans penser ce qu’on veut dire, car c’est une manière de répondre inconscient avec un adjective particulier. En général, les textes de Sarraute sont tous organisés autours les dialogues. L’autre stratagème s’appelle sous-conversation, et c’est tout ce qui reste dans l’âme de la personne qui parle ; c’est quelque chose qu’on n’arrive pas à dire, une sorte d’autocensure et une manière d’explorer le non-dit qui constitue le drame de l’existence. Il s’agit de sensations qui accompagnent ou qui précèdent la conversation : le non-dit constitue la sous-conversation, qui en réalité est un mot surréaliste inventé par Sartre. Sous- conversation et tropisme sont liés, donc, au texte de Nathalie Sarraute. Il y a un interlocuteur qui double la voix. Les deux voix se connaissent très bien, elles ont une confidence, elles connaissent Professoressa Daniela Tononi Ed ecco che queste parole magiche... «Prima di mettersi a scrivere un romanzo, bisogna imparare l’ortografia»... rompono l’incantesimo e mi liberano. La littérature concentrationnaire Quand on parle de textes de témoignage, il n’est pas possible de parler aussi de littérature. Un des premiers témoignages sous forme d’écriture pour les événements de l’Holocauste a été Si c’est un homme (1947) de Primo Levi, publié jusqu’après la libération des Juifs. La raison pour laquelle il n’y avait pas encore de textes qui racontaient les horreurs de la Shoah était qu’on pensait que les contes qui arrivaient des camps de concentration étaient trop loin de la quotidienneté et crus. Ce qui s’était passé était absurde, donc on avait beaucoup de peur à raconter cette page d’histoire. Les déportés étaient mutilés de leur identité, donc les nazis utilisaient un langage par exemple similaire à celui utilisé pour les animaux. Ils ont transformé le langage quotidien pour annuler leur identité. Les Juifs étaient considérés comme des objets ou des animaux, donc les tortures étaient plus faciles pour le nazis qui avaient perdu leur humanité. Leur langage était aussi lié au pouvoir, par exemple un mot utilisé pour indiquer les déportés qui arrivaient en train était bêtes. Le philosophe Paul Ricœur a écrit La mémoire, l’histoire, l’oubli (2000) sur la mémoire qui est vue sous toutes ses coutures, où une partie fait référence à l’Holocauste, dont on peut faire l’analyse de l’extrait : - La phrase Shoah, appelée Holocauste en milieu anglo-saxon fait référence au fait que le terme Holocauste, dont l’étymologie provient du grec ancien ὁλόκαυστος, avait posé certains problèmes de traduction ; - Ils avaient été précédés par ceux des survivants de la Première Guerre mondiale, car l’homme- témoin s’est affirmé déjà après la guerre ; - La question Pourquoi ce genre de témoignage paraît-il faire exception au procès historiographique ? met en évidence qu’il y avait un problème très important pour le lien entre témoignage et historiographie, car les témoin n’a eu jamais un point de vue objectif sur les événements à cause de ses émotions. La Fondazione centro di documentazione ebraica contemporanea de Milan a démontré que de faux survivants se sont révélés comme témoins de l’expérience de concentration, et cela a aussi nui à la reconstruction historiographique de ce qui s’est passé ; - La phrase Or l’expérience à transmettre est celle d’une inhumanité sans commune mesure avec l’expérience de l’homme ordinaire affirme qu’il ne faut pas transformer les coupables en personnages irréels et abominables, mais il faut les considérer humaines : ce sont simplement des hommes qui ont tué. Il faut rester dans le réel et il faut que le langage puisse traduire cet aspect-là ; - Dans le texte il y a la citation Comment raconter sa propre mort ? de Primo Levi. L’auteur était un survivant mais il a parlé de sa mort. Même si il se sont échappés, une partie de leur vie est morte là- bas : ils ont vécu une typologie de mort qui n’est pas la mort physique. Reprendre leur quotidienneté comme manger ou écouter de la musique, est presque impossible ; les survivants se considéraient des fantômes. Aimer après cet horreur devient difficile et même l’imagination perd son pouvoir : que peut-on imaginer après avoir subi une expérience déjà inimaginable? Primo Levi lui-même s’est suicidé car pour lui était impossible de continuer sa vie ; - La honte est la honte de être des survivants ; - La volonté de oublier fait référence au fait que personne ne voulait conter l’évasion ; - La citation à L’Espèce humaine (1947) de Robert Antelme est présente car il était le premier livre a parler de l’expérience quotidienne dans les camps de concentration avec un langage simple et objectif ; - Par les travaux d’historiens du temps présent et par la publicité des grands procès criminels où Ricœur a cité le Procès d’Adolf Eichmann, le procès contre l’ancien SS-Obersturmbannführer Professoressa Daniela Tononi allemand Adolf Eichmann, dans lequel il a été tenu responsable du meurtre de millions de Juifs devant le tribunal de district de Jérusalem en 1961, dont le verdict a été de mort par pendaison. Ce procès a été enregistré et il a été envoyé par tout, et c’est à partir de ce moment-là que le témoignage a commencé ; - Les récits directs sont les démonstrations de témoignage orale, pas écrite, comme les descriptions des camps de concentration où il y avait seulement des femmes ; même les nazis étaient des femmes qui faisaient des expérimentations sur leurs corps. Les femmes vivaient la déportation de manière différente par rapport aux hommes parce que elles recevaient des tortures cruels comme essayer de boire des avortements ou tuer des enfants. Leurs corps changeaient: les ongles tombaient et elles perdaient leur féminité. Pour les nazis, les femmes en bonne santé étaient un grand investissement parce qu’elles étaient de grandes travailleuses, donc celles qui pouvaient être exploitées encore mieux dans certains secteurs de la production. Les camps de concentration ont en effet été créés pour augmenter la productivité du pays, des produits lucifériens de la modernité. Ils pouvaient être considérés comme des machine parfaites depuis qu’ils arrivaient à leur fin avec un enchaînement de processus désarmants. C’est pourquoi on pensait que les Juifs partaient pour aller travailler. Souvent, les camps étaient construits dans des zones marécageuses parce que rien ne pouvait être construit là- bas à priori pour augmenter la croissance. Il y avait même des usines importantes comme Siemens. Rien ne se perdait : même les cendres étaient utilisées pour absorber l’humidité des zones marécageuses. L’ouvrage fondateur de la littérature du témoignage, qui permet de commencer à parler de cette expérience, s’appelle L’ère du témoin de Annette Wieviorka (1998). Il s’agit d’un texte historique où on parle de l’importance du témoignage. Robert Antelme est un autre auteur survivant des déportations qui a décrit très clairement son expérience. Son texte est très difficile à lire, mais il a témoigné qu’il a trouvé le bon langage pour parler de cette expérience. Il a publié le roman L’Espèce humaine qui sera très important et inspirant pour Georges Perec. Ce fut l’un des rares écrits publiés immédiatement après la libération. Dans l’Avant-propos, il y a un problème de langage, la distance qu’il y a entre le langage et cette expérience. L’auteur a écrit : « À nous-mêmes, ce que nous avions à dire commençait alors à nous paraître inimaginable » ; à un certain point, ils doutaient eux-mêmes qu’ils avaient vraiment vécu cette expérience. Il y avait un apparait intermédiaire entre les commandos et les détenus. Il s’agissait d’imposer une réglé, mais dans une société sans lois : c’était un plan infernal. Des règles s’imposaient mais il y avait sans cesse la sollicitation à ne pas les suivre et à suivre l’anarchie : cela faisait que le rôle des SS, celui de ramener l’ordre, était toujours plus grands et nécessaires. C’est intéressant de parler de l’idée de la solidarité féminin, qui est quelque chose que les hommes n’ont pas ; en effet, Antelme a affirmé : « La solidarité même était devenue affaire individuelle ». À la fin, il a dit que même les nazis faisaient partie de l’espèce humaine et qu’il ne faut pas les considérer comme des monstres. Donc, c’est plus difficile d’accepter que les hommes sont capables de faire certains choses : l’homme qui tue l’homme. Aux pages 15-16, l’incipit, on a la description du camp de concentration, qui est très simple, avec un langage aussi simple. Il faut le décrire simplement parce qu’il ne s’agit pas d’un lieu hors du monde, mais d’un lieu qu’existe vraiment. Le contexte historique du roman remonte aux années 1940-1944 : le régime de Vichy était le gouvernement collaborationniste établi en France pendant la Seconde Guerre mondiale, après la défaite de l’armée française par l’Allemagne nazie en 1940. Le nom vient de la ville de Vichy, où le gouvernement avait établi son siège. Le régime de Vichy, dirigé par le maréchal Philippe Pétain, se distinguait par sa collaboration avec les nazis allemands. Pétain, héros de la Première Guerre mondiale, était nommé chef de l’État français et a obtenu des pouvoirs extraordinaires pour restaurer l’ordre dans une période de grande instabilité et de désespoir national. Sous le gouvernement de Vichy, des lois antisémites ont été promulguées, conduisant à la persécution des Juifs français et à la déportation de milliers de personnes vers les camps de concentration nazis. En outre, le régime de Vichy a activement collaboré avec les nazis dans l’administration et l’occupation de la France, leur fournissant des ressources, de la main-d’œuvre et une assistance dans la répression des activités de la Professoressa Daniela Tononi Résistance. Malgré cela, le régime de Vichy ne représentait pas toute la France. De nombreux Français ont activement résisté à l’occupation nazie et au gouvernement collaborationniste, organisant la Résistance et luttant pour la libération de leur pays. Après la libération de la France en 1944, le gouvernement de Vichy fut dissous et ses dirigeants furent jugés pour collaboration. Le générale de Gaulle, après la libération, a fait un discours où il a construit une sorte de mémoire officiel de ce qui est arrivé en France. Il oubliait Vichy et il parlait seulement de la France martyrisée, en proposant l’image d’une France mythique : le passé est manipulé. Avec Le syndrome de Vichy (1944) écrit par Henry Rousso, on a commencé à comprendre vraiment le régime : il s’agit du premier livre qui parlait du collaborationnisme et qui posait la lumière sur la France de Vichy. Après la publication de cette ouvrage, mais en particulier après le procès Eichmann, on a vu les publications des textes du témoignage. La traduction des couleurs et leur utilisation littéraire Quand on parle de couleurs, il faut se référer au relativisme culturel qui caractérise les langues : en appliquant ce concept, on peut dire que chaque langue représente son univers avec des couleurs spécifiques. Selon ce principe, chaque langue représente la gamme de couleurs de manière différente. Les couleurs sont donc dépourvues d’objectivité et le rapport entre elles et la perception sensible du monde est complexe, qui ne remet pas seulement en cause l’objectivité mais aussi la subjectivité du moi qui écrit. Si on utilise la couleur bleue pour représenter la mer dans un roman ou un récit, alors l’objectivité sera utilisée, mais si on écrit que la mer est violette, le lecteur se demandera pourquoi l’auteur a utilisé cette couleur. Le migrant, par exemple, décrira la mer orageuse de sa traversée avec des couleurs différentes de celles de ceux qui voient la mer comme quelque chose de cristallin. La couleur dans son utilisation littéraire, quel que soit le genre de référence, a deux types de valeurs: - Valeur objective, c’est-à-dire une valeur universelle qui se fonde sur la perception et qui se traduit donc telle quelle ; - Valeur subjective, c’est-à-dire une perception subjective ou une signification symbolique donnée à la couleur que le traducteur devra porter, en se demandant les raisons de ce choix de l’auteur. Traditionnellement, les couleurs sont associées à la renaissance et à l’espérance dans toutes les langues, et une couleur que l’on rencontre souvent dans la littérature concentrationnaire est le blanc, qui associe normalement des valeurs positives telles que la pureté ou la paix. Dans le genre littéraire de l’Holocauste, la valeur de la couleur blanche est renversée parce qu’elle est plutôt associée à la neige qui recouvrait les espaces des camps de concentration : au moment où elle était frappée par la lumière, elle était aveuglante et insupportable. Donc le blanc était associé à des images négatives, et c’était le symbole de la mort et de la pause de la vie; les déportés étaient obligés de marcher pieds nus sur la neige, donc pour eux c’était quelque chose de terrible. Il faut donc toujours étudier la dimension symbolique des couleurs. Lorsque on étudie la couleur à l’intérieur d’un texte, on doit le faire de manière synchronique et diachronique, en fonction de ce qui a été associé à cette couleur au cours des siècles. Par exemple, dans le cas de Le Rouge et le Noir (1830) de Stendhal, le rouge avait été associé aux militaires à cause de Napoléon qui avait chaque élément de ses chambres ou de ses vêtements ornés de rouge ; mais selon certains, c’était une mauvaise interprétation car les uniformes militaires français étaient bleus. Du point de vue linguistique, il est donc important de comprendre la réponse de l’utilisateur-lecteur aux sollicitations perceptives. Certains critiques se sont mesurés sur ce sujet de l’ethnosémiotique de la couleur comme Brent Berlin et Paul Kay en 1969 et Wolfgang Wenning en 1985. Les deux premiers critiques ont affirmé la légitimité de certains universels sémantiques parmi certaines couleurs, c’est-à-dire le noir, le blanc, le rouge, le vert, le jaune, le bleu, le marron, le rose et le gris. Berlin et Kay, cependant, n’ont pas fait une étude diachronique de ces couleurs, mais plutôt quelque chose de synchronique : ils se sont limités à analyser ce qui naît de la perception qu’a le sujet de cette couleur à travers le patrimoine linguistique. Leur étude était donc basée sur l’existence verbale ou esistenza denominativa en italien, et donc un sujet connaît cette Professoressa Daniela Tononi où il est plutôt lié à l’obscurité qu’au deuil, donc plus au concept qu’à la chose en soi (ex. avoir peur du noir en italien est traduit par avere paura del buio, donc plus lié à la chose concrète qu’au concept). Un terme complexe à traduire avec le noir peut être en italien nero di botte, qui doit être recherché dans le dictionnaire monolingue italien à l’entrée botte, pas nero. Charlotte Delbo et Aucun de nous ne reviendra Parler de la littérature de la Shoah c’est parler de quelque chose qui a troublé l’Europe, le monde entier et la littérature en général. Parmi ce contexte, après la Seconde Guerre mondiale, il y avait des étudiants et des philosophes qui inspiraient à un nouveau forme d’écriture qui pourrait renouer le langage, car il a été détruit par l’économie du monde. Après les évènements de Auschwitz le problème c’était de quelle manière traduire en mots l’expérience concentrationnaire ; il était très difficile d’utiliser le langage quotidien pour décrire cette expérience : on disait qu’il n’y avait plus de poésie. On trouve dans les textes de la littérature du témoignage des écrivains qui utilisaient un langage et une syntaxe très simples. Tous les écrivains essayaient donc de trouver une écriture épurée, fragmentée et évocatrice. Entre ces écrivains, Charlotte Delbo était une survivante de l’Holocauste français, connue pour ses œuvres qui reflètent ses expériences dans les camps de concentration nazis pendant la Seconde Guerre mondiale. Née en 1913, Delbo a été active dans la Résistance française pendant l’occupation nazie et a été arrêtée par la Gestapo en 1942. Après avoir été déportée à Auschwitz puis à Ravensbrück, Delbo survécut à la captivité et retourna en France à la fin de la guerre. Ravensbrück était le camp de concentration des femmes. À l’époque de Delbo, la femme était considérée comme inférieure selon un point de vue misogyne, mais aussi dangereuse parce qu’elle constituait un obstacle à la réalisation de la politique démographique nazie. Le camp de Ravensbrück était considéré comme l’enfer des femmes et avait été construit en 1938, près de Berlin. Après une formation, les femmes allemandes étaient amenées à une pensée cruelle pour surveiller les femmes du camp. Les déportées n’étaient pas seulement employées dans les usines textiles, dans les ateliers de fourrure, dans les ateliers de couture, ou au mieux chez Siemens où les conditions de travail étaient de loin les meilleures, au point de valoir à ceux qui y travaillaient le nom de aristocrates ; beaucoup étaient envoyées dans d’autres camps, où il fallait de la main-d’œuvre et, dans le pire des cas, utilisées pour des tortures atroces. À partir de 1942, les Juives sont amenées à Auschwitz, tandis que d’autres plus agiles étaient considérées comme utiles pour le travail. Une description importante du camp et de sa fonction a également été donnée par l’ethnologue Germaine Tillion, qui a été déportée à Ravensbrück en 1943 pour son rôle dans la Résistance française. En 1972, elle a publié un document important dans lequel elle voulait rationaliser l’existence des camps et expliquer son mécanisme économique. Les femmes du camp étaient classées selon une typologie qui les associait à un crime : les asociales, les criminels ordinaires, les témoins de Jéhovah, les déportées politiques et les femmes qui avaient eu des relations avec des Juifs ou des slaves. Ces dernières, symbolisées par un triangle rouge, étaient le groupe le plus nombreux. Les Françaises représentaient cependant le groupe le plus politisé, parmi lesquelles se trouvait Charlotte Delbo. Ses expériences dans les camps de concentration ont profondément influencé son travail littéraire, qui se concentre sur le témoignage des horreurs de l’Holocauste et sur la mémoire de ses compagnons prisonniers. Les œuvres les plus célèbres de Delbo incluent Auschwitz et après (1965-1971), une série d’écrits autobiographiques explorant ses expériences personnelles pendant l’Holocauste. L’écriture de Delbo est caractérisée par une prose poétique et une réflexion profonde sur la nature humaine, sur les conséquences de la violence et sur la possibilité de l’espérance même dans les situations les plus désespérées. Son travail a contribué de manière significative à la compréhension et à la mémoire de l’Holocauste, en offrant une analyse perspicace de ses implications historiques et humaines. Charlotte Delbo a décrit avec insistance la nécessité de mettre à nu la vérité des camps, de faire voir la réalité des camps ; elle revendiquait l’appartenance de son témoignage à la littérature. En effet, il y avait un débat : le roman de la Shoah peut être considérée un ouvrage de témoignage ou il s’agit d’un roman de fiction ? C’était un débat très compliqué qui a dominé la critique des année 1970 et 1990 parce que c’est à partir des Professoressa Daniela Tononi années 1960 qu’on va publier ces ouvrages de témoignages avec Primo Levi et Robert Antelme. Donc, Delbo disait que ces ouvrages faisaient partie de la littérature, qu’elles étaient des œuvres littéraires. À propos de ça, elle a affirmé : « Si vous voulez rendre compte de la souffrance, […] il faut transmettre l’émotion, la sensation, la douleur, l’horreur. Il ne faut pas décrire, il faut donner à voir. […] Seul le langage de la poésie permet de donner à voir et à sentir. [...] Seul le langage poétique peut donner la mesure de ce que nous avons vécu ». La dimension poétique de l’écriture de Delbo se reflétait dans l’usage qu’elle a fait de la langue et des procédées qu’elle utilisait : l’anaphore, la répétition et des techniques symbolistes et surréalistes. Charlotte Delbo a été une figure majeure de la littérature de la Shoah, mais les premières études sur elle datent 2014. Le 10 aout 1932 elle a adhéré au parti communiste et a fait la connaissance de son mari, qui était un militant du parti, George Dudach. Elle faisait partie de la Résistance française et d’une revue très importante, Les Lettres françaises : c’est pourquoi elle a été arrêtée avec son mari. L’arrestation a eu lieu au milieu d’une répression contre le communisme de 1942, au cours de laquelle son mari a été fusillé. Après avoir été arrêtée, elle a été enregistrée en tant que nuit et brouillard, catégorie de personnes qui gardait le secret et qui ont été immédiatement déportées en Allemagne. Malgré cela, elle n’a pas été emmenée à Ravensbrück, mais elle a passé trois étapes : - La première est celle de la forteresse de Romainville, où elle a rencontré les compagnes avec lesquelles elle partagera l’expérience concentrationnaire, dont la fille de Pietro Nenni, et avec qu’elle reconstruisit les œuvres de Molière en utilisant le théâtre comme refuge; - La deuxième étape date de 1943, quand Delbo et ses compagnes furent amenées inexplicablement à Auschwitz, en tant que non-juives; - La troisième étape fut celle de Ravensbrück, qu’elle n’abandonnera qu’en 1945 où elle ira en Suède puis à Paris, où elle commencera à écrire son premier livre. La réflexion de Delbo s’opposait à la réflexion de Theodor W. Adorno, qui disait qu’il faut trouver des instruments d’un nouveau langage pour pouvoir parler d’Auschwitz. Déshumaniser les déportés est un procès qui se passe aussi à travers le langage (ex. ils perdent leur noms) : c’est une deshumanisation qui fait partie d’un projet. Le langage a été utilisé pour anéantir les déportés, c’est pourquoi il est devenu un instrument très difficile pour décrire et témoigner ces expériences. Après la libération plusieurs survivants vivaient une double vie : ils continuaient leur expérience dans les camps de concentration avec leur âme, parce que l’expérience avait été terrible et il était impossible de reprendre leur vie normale et quotidienne. Aucun de nous ne reviendra (1965), Une connaissance inutile (1970) et Mesure de nos jours (1971) constituent la trilogie de Auschwitz et après. Dans son premier ouvrage, Le Convoi du 24 janvier (1965), Charlotte Delbo nommait toutes ses compagnes : on a leur noms après une synthèse de leur vie et de la manière dont elles sont mortes. Il s’agit d’un document très important et historique : c’est un tombeau littéraire, historique et sociologiste qui sert à garder la mémoire de ces femmes mortes dans les camps. Delbo ne parlait jamais d’elle-même seule, mais aussi de toutes ses compagnes. Cette œuvre est considérée comme la plus scientifique car elle dresse un tableau parfait des 231 filles déportées dans le camp en tant que membres de la Résistance française. Delbo a insisté pour souligner l’importance de son analyse scientifique pour se souvenir des femmes et pour rendre l’événement réel. Le titre Aucun de nous ne reviendra est lié à cet engagement de parler de toutes : elle a placé au centre de son ouvrage les femmes de son camp de concentration. Dans sa poétique, Delbo a parlé d’émotion, sensation, douleur et horreur. Lorsque on parle de la poétique de Charlotte Delbo on parle de la poétique de la sensation parce qu’elle permet de sentir vraiment les émotions qu’elle décrivait. Aucun de nous ne reviendra est une citation un peu transformée d’une phrase qu’on trouve dans une poésie d’Apollinaire, La maison des morts, avec une référence à la Première Guerre mondiale : « Nous serions si heureux ensemble / Sur nous l’eau se refermera / Mais vous pleurez et vos mains tremblent / Aucun de nous ne reviendra ». À la fin de l’œuvre cette phrase est transformée en « Aucun de nous n’aurait dû revenir », pour souligner le sentiment de culpabilité des survivants. Si on fait l’analyse du chapitre La soif, il y a une description qui permet de sentir vraiment la soif de la protagoniste. Avec la poétique de la sensation, Charlotte Professoressa Daniela Tononi Delbo a permis de sentir et de voir. L’écriture de Delbo est faite de phrases très petites et fragmentées avec une structure sujet-verbe très simple. C’est une forme presque hybride, une voie médiane entre poésie et prose et c’est pourquoi il est important de souligner l’aspect poétique de cette écriture. Dans le premier chapitre du roman, Rue de l’arrivée, rue du départ, il y a des anaphores: on répète plusieurs fois des mots pour créer un sentiment d’angoisse. Le fait de faire des répétitions est quelque chose de troublant. À partir de cet extrait on peut voir la répétition des structures syntaxiques, mais aussi le manque des signes de ponctuation, et c’est le lecteur dans l’acte de lecture qui choisit les pause à donner. En général, la musique de la langue française permet de donner le rythme au texte. Delbo voulait aussi présenter les camps de concentration comme des lieux réels : elle a fait des citations précises sur la géographie et la place de ces camps en Europe. Elle a nommé aussi tous les pays des déportés et ça permet de attribuer une sorte de réalisme a cette description. Le camp de concentration est un univers bouleversé. Déjà au début, utiliser dans la répétition le syntagme il y a, c’est quelque chose qui donne l’existence, et donc le réel, en donnant la liste. La phrase Tous les jours et toutes les nuits les cheminées fument avec ce combustible de tous les pays d’Europe est une métaphore troublante qui ne trahit pas le sens du texte. Dans le chapitre Le printemps, plutôt, elle a utilisé le vers libre et la prose poétique. Le corps féminin est autre thème de réflexion dans ce texte : elle a décrit leur seins et a dit qui sont vives. Même l’air ou l’odeur sont fluides : celui-là est un univers où tous les éléments n’ont plus leur fonctions, ils se transforment et la nature se transforme. Et les déportés s’adaptent à cette atmosphère étrange. Elle disait qu’elle ne comprenait pas si s’elle rêvait cette expérience du camp de concentration ou si le rêve était sa vie passée, une vie faite des mémoires. Delbo, en effet, maudissait dans le texte le fait de pouvoir se souvenir de sa vie avant qu’elle est entrée dans le camp, parce qu’elle préférerait ne pas se rappeler combien le vrai printemps était beau par rapport à celui qu’elle vivait. Quand Delbo est retournée chez elle, elle a vu ses livres sur sa table de nuit, et n’a compris pas pourquoi ils étaient là ; ses proches aussi allaient la voir et ils étaient faits d’une essence affairée, donc la vraie vie était devenu celle du camp de concentration. La relation de Delbo avec la mémoire est conflictuelle : tout ce qui lui rappelle sa vie passée la fait souffrir. Tous les images du printemps de sa mémoire ont perdu leur couleur. Dans ce texte on a l’opposition entre ici et ailleurs, entre mémoire et vérité, qui est incommensurable : les déportés ne pouvait revenir et arriver à la fin du texte. Ça porte à la déstructuration qualitative du langage, mais aussi des corps. L’horreur est montré et le temps ne passe pas car le printemps symbole de renaissance n’est pas le vrai printemps, qui se trouve dehors du camp. Delbo ne voulait pas banaliser le mal, mais simplement associer les scènes du camp avec celles de la vie quotidienne. Dans le chapitre Le lendemain, il y a aussi l’alternance entre silence et cri qui approfondit l’inquiétude. Le cri grandisse en intensité et devient désespoir et après se transforme en corp de femme. Delbo a écrit que le camion emportait les cris, et donc les corps des déportés. Elle a utilisé la métonymie : le cri indique les corps des femmes, une partie pour indiquer le tout. Il y a toujours la référence à la couleur bleu qui indique l’éternité. À la suite d’une représentation du Dom Juan de Molière mise en scène par Louis Jouvet, le réalisateur pour qu’elle travaillait, elle a commencé le récit de sa déportation sous la forme d’une lettre à Jouvet qui met en scène les personnages fictifs qui l’ont accompagné. La Lettre à Louis Jouvet deviendra la première partie de Spectres, mes compagnons (1977). C’est un long texte écrit pour Jouvet qui se trouvait aux Amériques et demandait à elle d’abandonner la France pour le rejoindre. Dans le texte, Delbo a cité les personnages des livres qu’elle a lu avant la déportation, dont Julien Sorel de Le Rouge et le Noir de Stendhal. Elle a dit qu’ils ne survivraient jamais dans un contexte comme celui du camp de concentration, ainsi que les personnages du théâtre qu’elle aimait tant avant d’entrer dans le camp : là-bas, les gens sont anonymes et ils ne peuvent donc jamais être égaux aux héros de ses tragédies. La traduction de Aucun de nous reviendra La traduction de Aucun de nous reviendra est très compliquée du point de vue des opérations de traduction, étant un roman de la littérature concentrationnaire. Néanmoins, il est possible de le faire en respectant le texte original mais aussi en conservant la langue cible : Professoressa Daniela Tononi généalogique, bien qu’abandonné, illustre son besoin de donner une existence à son histoire, à travers les mots et ce livre. L’œuvre de Perec relève de l’autofiction, où les souvenirs altérés sont présentés avec un pacte de confiance envers le lecteur. Il informait le lecteur que ce qu’il va lire est un parcours de reconstruction de ses souvenirs. Perec a utilisé des notes à partir de ses souvenirs, et non des notes typographiques de l’éditeur, mais des notes qui aide à mieux comprendre ses réminiscences. Ce système de notes est particulièrement complexe dans la première section du roman, où les souvenirs sont encore altérés. Georges Perec est né en 1936 à Paris. Après des études et une psychanalyse avec le docteur Pontalis, qui écrira également un livre sur lui, Perec a connaît un succès remarquable avec La Vie mode d’emploi. Suite à la publication de ce roman, il s’est consacré entièrement à l’écriture. Son premier roman, Les Choses (1965), explore l’histoire d’un couple et propose une réflexion sur la relation entre l’individu et les objets matériels. Dans l’ensemble de son œuvre, Perec intégrait des références plus ou moins explicites aux œuvres littéraires du passé, considérant la littérature comme un puzzle nécessitant des liens avec d’autres textes. Ce réalisme citationnel implique d’amener le lecteur à s’ancrer dans le présent en révélant des références claires à des événements contemporains, tels que le consumérisme des années soixante ou la Seconde Guerre mondiale. Dans W ou le Souvenir d’enfance, par exemple, Perec cite David Russet, auteur d’un texte majeur sur la réalité concentrationnaire, établissant une allégorie avec une île fantasmagorique. Cette démarche permet de faire écho au contexte politique contemporain, notamment avec la présence de Augusto Pinochet, dictateur à l’époque. Perec a également adapté certains de ses textes en film documentaires, comme Récits d’Ellis Island (1980). Il a aussi écrit Un homme qui dort (1967), un roman narré à la deuxième personne. Dans ses écrits, Perec explorait souvent le banal et le quotidien, qu’il nommait l’infra- ordinaire. Cette exploration du quotidien, à travers des listes et des descriptions minutieuses, contribue à affirmer son existence et à donner une consistance au présent. Il s’agit de ce qui se passe chaque jour, des actions qui font partie de l’ordinaire auxquelles on ne prête peut-être pas attention. L’infra-ordinaire est ce qui ne frappe pas, mais qui, une fois raconté, permet de ancrer encore plus dans le réel. En décrivant les actions, même les choses les plus banales, cela permet de donner de la consistance au présent. Perec a fait également beaucoup de listes, qui lui permettent de dire qu’il existait, à travers toutes ces petites choses qu’il a fait et qu’il a vécu. Perec a écrit aussi d’autres romans comme Les Revenantes (1972), où il n’utilisait que la voyelle e, en opposition à La Disparition. Les Revenantes met en scène l’enlèvement de gemmes et l’émergence de sexe en l’évêché d’Exeter. Malgré l’absence d’une cohérence véritable dans le contenu de ses œuvres, celles- ci sont toutefois unies par certaines caractéristiques qui appartiennent au style personnel de l’auteur, qui se lie beaucoup au thèmes de l’OuLiPo : - La contrainte et l’œuvre potentielle, c’est-à-dire que l’œuvre potentielle ne se réalise pleinement que si le lecteur comprend réellement la règle qui la sous-tend. L’œuvre cherche à impliquer le lecteur comme co-auteur, car sans comprendre le sens de la contrainte, l’œuvre ne se réalise pas pleinement ; - L’aspect ludique, c’est-à-dire que Perec intégrait souvent cet aspect visible dans ses textes, qui cache derrière plusieurs autres éléments liées à son expérience personnelle. Concernant son œuvre principale, W ou le Souvenir d’enfance, la narration évolue dans sa deuxième partie après les points de suspension, qui marquent une rupture dans la narration. À partir de là, Perec comprenait comment il devait écrire sur son enfance ; il a trouvé ainsi le moyen de le faire. Dès lors, les souvenirs deviennent réels, ce qui rend la partie autobiographique plus précise. Le système de notes se réduit considérablement et la manière de raconter le souvenir change. La traduction de W ou le Souvenir d’enfance La traduction de W ou le Souvenir d’enfance est très compliquée du point de vue des opérations de traduction, étant un roman de la littérature concentrationnaire. Néanmoins, il est possible de le faire en respectant le texte original mais aussi en conservant la langue cible : Professoressa Daniela Tononi In questo libro ci sono due testi semplicemente alternati; potrebbe quasi sembrare che non abbiano nulla in comune, ma sono tuttavia inestricabilmente intrecciati, come se nessuno dei due potesse esistere da solo, come se dal solo loro incontro, da quella luce lontana che gettano l’uno sull’altro, potesse rivelarsi ciò che non è mai detto del tutto nell’uno, mai del tutto detto nell’altro, ma solo nella loro fragile intersezione. Uno di questi testi appartiene interamente all’immaginario: è un romanzo d’avventura, la ricostruzione, arbitraria ma minuziosa, di una fantasia infantile che evoca una città regolata dall’ideale olimpico. L’altro testo è un’autobiografia: il racconto frammentario di una vita di bambino durante la guerra, un racconto povero di successi e di ricordi, fatto di frammenti sparsi, di assenze, di dimenticanze, di dubbi, di ipotesi, di aneddoti magri. Il racconto d’avventura, in confronto, ha qualcosa di grandioso, o forse di sospetto. Poiché comincia con il racconto di una storia e, improvvisamente, si lancia in un’altra: in questa interruzione, questa frattura che sospende il racconto intorno a non si sa quale attesa, si trova il luogo iniziale da cui è uscito questo libro, quei punti di sospensione ai quali si sono aggrappati i fili spezzati dell’infanzia e la trama della scrittura. […] Non siamo mai riusciti a trovare tracce di mia madre né di sua sorella. È possibile che, deportate verso Auschwitz, siano state dirette in un altro campo; è anche possibile che il loro convoglio sia stato gasato all’arrivo. I miei nonni furono, ugualmente deportati; si dice che David Peretz morì soffocato nel treno; di Aron Szulewicz non si è trovata alcuna traccia. Mia nonna paterna, Rose, non è stata arrestata per puro caso: era dalla vicina, quando i gendarmi vennero a casa sua; si rifugiò per qualche tempo nel convento del Sacro Cuore e riuscì a raggiungere la zona libera, non, come ho creduto per molto tempo, facendosi rinchiudere in un baule, ma nascondendosi nella cabina del macchinista. Mia madre non ha una tomba. Fu solamente il 13 ottobre 1958 che un decreto ne dichiarò ufficialmente il decesso, l’11 febbraio 1943, a Drancy (Francia). Un ulteriore decreto, del 17 novembre 1959, precisò che «se lei fosse stata di nazionalità francese» avrebbe avuto diritto alla menzione “Morto per la Francia”. Ho altre informazioni riguardo i miei genitori; so che non mi saranno di alcun aiuto per dire ciò che vorrei dire su loro. Quindici anni dopo la redazione di questi due testi, mi sembra ancora che non potrei che replicarli: qualunque sia la precisione dei dettagli veri o falsi che potrei aggiungere, l’ironia, l’emozione, la secchezza o la passione di cui potrei rivestirli, le fantasie alle quali potrei dare sfogo, le fabulazioni che potrei sviluppare, qualunque esse siano, anche, i progressi che ho potuto fare da quindici anni esercitandomi nella scrittura, ho l’impressione che giungerò solo a ripetermi all’infinito. Un testo su mio padre, scritto nel 1970, e ben peggiore del primo, mi convince abbastanza da scoraggiarmi dal ricominciare oggi. Non è, come ho a lungo sostenuto, l’effetto di un’alternativa senza fine tra la sincerità di una parola da trovare e l’artificio di una scrittura esclusivamente preoccupata di erigere le sue mura: è legato alla cosa scritta, al progetto della scrittura come al progetto del ricordo. Non so se non ho niente da dire, so che non dico niente; non so se quello che avrei da dire non sia detto perché è l’indicibile (l’indicibile non è in agguato nella scrittura, è ciò che l’ha innescato molto prima); so che quello che dico è bianco, è neutro, è il segno definitivo di un annientamento definitivo. È questo che dico, è questo che scrivo ed è solo questo che si trova nelle parole che traccio, e nelle righe che queste parole disegnano, e negli spazi bianchi che lasciano apparire l’intervallo tra queste righe: per quanto io possa tenere d’occhio i miei lapsus (per esempio, avevo scritto «ho commesso», invece di «ho fatto», a proposito degli errori di trascrizione nel nome di mia madre), o fantasticassi per due ore sulla lunghezza del cappotto di mio padre, o cercassi nelle mie frasi, ovviamente Professoressa Daniela Tononi trovandole subito, graziose eco dell’Edipo o della castrazione, non troverei mai, nel mio stesso ripetermi, altro che l’ultimo riflesso di una parola assente alla scrittura, lo scandalo del loro silenzio e del mio silenzio: non scrivo per dire che non dirò niente, non scrivo per dire che non ho niente da dire. Scrivo: scrivo perché abbiamo vissuto insieme, perché sono stato uno di loro, ombra tra le loro ombre, corpo vicino ai loro corpi; scrivo perché hanno lasciato in me il loro segno indelebile e la scrittura ne è la traccia: il loro ricordo è morto alla scrittura; la scrittura è il ricordo della loro morte e l’affermazione della mia vita.
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