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Appunti completi di Lingua, Linguistica e Traduzione Francese | Lezioni + libro + dossier, Appunti di Lingua Francese

Appunti di Lingua, Linguistica e Traduzione francese dalla prima all'ultima lezione del professore Antonino Velez compresi di parti aggiuntive del libro e dei dossier del professore. Il documento verte sui jeux de mots, l'argot, la canzone di Grand Corps Malade e la sua analisi, le tipologie di traduzione di Jacqueline Henry, il roman policier, l'analisi di Alice au pays de merguez, le analisi delle vignette di Astérix, l'analisi di Les Fleurs Bleues di Queneau con la traduzione di Calvino, l'analisi di Exercices de style di Queneau con la traduzione di Eco e il graphic novel

Tipologia: Appunti

2023/2024

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Scarica Appunti completi di Lingua, Linguistica e Traduzione Francese | Lezioni + libro + dossier e più Appunti in PDF di Lingua Francese solo su Docsity! Professore Antonino Velez LINGUA, LINGUISTICA E TRADUZIONE FRANCESE Les jeux de mots Les jeux de mots constituent pour le linguiste un problème fort sérieux dans la mesure où il l’invite une spéculation sur le formes et les fonctions du langage. Il sont des équivoques qui jouent sur les ressemblances entre les mots. L’étude de ces expressions a déjà été faite par Sigmund Freud, à travers un traité dédié à eux, et en particulier le lapsus freudien, un jeu de mots involontaire dans lequel on change un mot par un autre, ou on condense dans un néologisme deux mots différents. Cependant, le premier problème des jeux de mots est la définition même du concept et de ses limites, interférences et imbrications avec des faits voisins et qui partagent avec lui tantôt leurs formes, tantôt leurs fonctions. C’est important distinguer, par exemple, entre le jeu de mots qui joue sur le mots et le divertissement verbal, tel que certains jeux de société (en italien, ce qu’on appelle cruciverba) qui joue avec les mots. Il faut aussi préciser la limite entre le jeu de mots pur et le même investi de fonctions littéraires comme dans les cas de François Rabelais ou Jacques Prévert. Ce dernier, par exemple, a dit : « Comme le lait quand il tourne quand il tourne comme la terre », en faisant en jeu de mots (en français, tourner signifie autant « scadere » que « girare »). En replaçant la notion de jeu de mots dans la perspective plus large, plusieurs types peuvent être classés : - Calembours, jeux de mots fondés sur l’homophonie ou la polysémie ; - Contrepèteries, jeux de mots consistant à permuter certains phonèmes ou syllabes d’une phrase afin d’en obtenir une nouvelle, présentant souvent un sens concupiscent masqué par l’apparente innocence de la phrase initiale ; - Anagrammes, jeux de mots obtenus en permutant les lettres d’un mot ou d’une expression de départ ; - Charades, jeux de mots qui combinent le devinette et la phonétique ; - Logogriphes, jeux de mots fondés sur une énigme où l’on donne à deviner un mot à partir d’autres, composés des mêmes lettres ; - Rébus, jeux de mots qui consistent à deviner une phrase complète ou un mot à partir d’une ou plusieurs images ; - Métabole, jeux de mots par laquelle on modifie la disposition des termes. À propos de la classification des jeux de mots, on emprunte à Roman Jakobson l’opposition entre l’axe syntagmatique, qui est constitué par la chaîne parlée le long de laquelle s’enchaînent les termes dont la position est déterminée par la syntaxe de l’idiome, et l’axe paradigmatique, qui recoupe perpendiculairement le premier sur lequel s’entassent tous les termes substituables dans une position donnée. Ainsi dans la locution moulin à vent, vent s’enchaîne à moulin sur l’axe syntagmatique, tandis que eau ou prière peuvent se substituer à vent sur l’axe paradigmatique. Une autre distinction qu’il est important de faire est que le jeux de mots peuvent être phoniques (tel que le cas du calembour ou de la contrepèterie) ou lexicaux (tel est le cas du calembour par synonymie), mais aussi jeux qui sont représentés par des dessins (c’est le cas du rébus) ou qui forment des dessins, les calligrammes. D’autre part les jeux de mots peuvent être divisés entre jeux de mots par substitution et jeux de mots par enchaînement. La substitution L’équivoque constitue l’essence du jeu de mots : quand elle devienne abusive, qui conduit à l’erreur, elle constitue un calembour, et cette notion s’identifie avec celle de jeu de mots. La forme la plus utilisée pour les jeux de mots est donc la substitution, qui peut être de deux formes selon qu’on substitue un terme par un homonyme ou un synonyme. En effet, sa forme la plus classique repose sur Professore Antonino Velez la substitution d’un terme par un terme analogue, et cette analogie peut prendre deux formes selon que l’on substitue un homonyme ou un synonyme. Ainsi le titre du film Les seins de glace (1974) de Georges Lautner, joue sur l’homonymie (et donc l’homophonie) entre seins et saints : le film est une combinaison du sacré et du profane et c’est pourquoi le titre utilise la ressemblance phonétique entre les saints de glace (appelés ainsi car ces jours de fête il y a souvent des gelées anormales) et les seins de glace, compte tenu de la nature érotique du film. Autre exemple de substitution peut être une porte à grosse caisse, qui équivoque sur le fait que s’il y a une porte à tambour, alors une porte à grosse caisse peut également exister. En termes linguistiques, cette double substitution homophonique et homosémique s’opère sur l’axe paradigmatique et peut donc être qualifiée de métaphorique par opposition à l’enchaînement qui s’opère sur l’axe syntagmatique et sera, en conséquence, qualifié de métonymique. Le calembour Le calembour est une équivoque phonétique à intention plaisante et plus ou moins abusive. Les formes de cette équivoque sont créées selon que la base est dans la polysémie ou l’homonymie. Dans la polysémie, les mots peuvent avoir plusieurs sens : sens propre et sens figuré, sens concret et sens abstrait, sens général et sens particulier sont la source des meilleurs calembours. Un exemple peut être le calembour Enseignez-moi donc, disait un pauvre diable, le chemin qui mène à la fortune. – Rien de plus facile lui répondit quelqu’un, prenez à droit, prenez à gauche, prenez de tous les côtés… Voilà tout. Le jeu de mots se base sur le fait que l’homme répond en donnant des indications, puisqu’on lui avait demandé un chemin pour faire fortune; dans ce cas, cependant, le verbe prendre n’indique pas un chemin, mais plutôt de saisir tout pour faire fortune, et donc voler. Autre exemple est Bassompierre, prisonnier à la Bastille, tournait brusquement les feuillets d’un livre : Que cherchez-vous, lui demanda le geôlier. – Un passage, lui répondit Bassompierre, que je ne saurais trouver. Encore une fois, le jeu de mots est basé sur la polysémie des mots, et en particulier le sens propre de passage comme partie du livre et le sens figuré de passage comme endroit pour s’échapper de prison. Une des formes cocasses du calembour polysémique consiste à bloquer le sens figuré en prenant l’expression au pied de la lettre. Ainsi : - Elle prend une éponge et s’efface (l’éponge est à la fois l’outil de nettoyage et celui pour effacer la craie du tableau) ; - Il monte sur le trône à l’aide de l’escabeau familial (le roi est couronné grâce à l’aide de la famille et donc on utilise une phrase qui est habituellement dite aux enfants pour les faire monter sur la toilette) ; - Il avait une dent gâtée contre moi (sans le contre moi, la phrase signifierait que la dent présente des caries, mais grâce à cela se forme le jeu de mots pour dire que l’homme a la dent empoisonnée comme s’il détestait la personne) ; - Une voix timbrée à zéro franc trente (voix réglée mais aussi timbrée comme un timbre avec son prix) ; - Il embrassa cette profession à pleine bouche (embrasser dans le sens figuré signifie accepter une profession, mais dans le sens propre indique embrasser sur la bouche quelqu’un) ; - Un pourboire qui lui servait pour manger (le pourboire est ce qu’on laisse aux serveurs mais ici le terme joue sur l’opposition entre pour boire et pour manger) ; - Il lui dit entre trois yeux, car il était borgne (borgne est un synonyme de aveugle et c’est pourquoi l’homme voyait à trois yeux au lieu de quatre) ; Professore Antonino Velez - La Rousse suit la rousse (ici on trouve deux registres différents : dans l’argot, la Rousse est un des différents manières pour décrire la police, tandis que dans le second registre on parle simplement d’une femme avec le cheveux rouges) ; - Le départ en locomotive de ces locaux motive une profonde inquiétude (on a un jeu phonétique, non par enchaînement mais par désenchaînement) ; - Elle fait des gestes mous, ronds, sans se faire de mouron (on a deux registres linguistiques : dans le français standard, les gestes mous, ronds signifie « gesti ampi », tandis que mouron est dans le langage familier la peine, donc le sens de la phrase serait sans se faire de la peine). Une chose très intéressante quand on parle d’antanaclase, c’est l’antanaclase par comparaison burlesque en forme de pari d’échange : il s’agit d’une sorte de comparaison absurde de choses qui n’ont pas rien à voir les unes avec les autres. Elle sont toutes des antanaclases avec la particularité de l’acception hétéroclite et foule. Le plus intéressant c’est le jeu où on a une substitution à niveau paradigmatique : - Je vous parie un cornet à piston contre un cornet de frites (l’absurdité de l’accotement se trouve dans le fait que le cornet à piston est un instrument musical, mais dans un cornet de frites on met les frites) ; - C’est la lutte du pot de fer contre la peau de fesse (un pot de fer c’est un objet, mais la peau de fesse c’est la pelle de l’arrière : on se base sur des variations qui peuvent être de la paronomasie jusqu’à la fausse synonymie) ; - Échanger une livre de marrons contre un livre de messe (dans le premier cas on se réfère à livre comme l’unité de mesure anglais, tandis que dans le second cas on se réfère au livre dans le sens propre) ; - Parier une pomme d’arrosoir contre les pommes, pommes, pommes de La Marseillaise (la pomme d’arrosoir est le bec de l’arrosoir, et on joue donc avec la polysémie du mot) ; - Nous gravissons une volée de quatre marches, ce qui, à tout prendre, est préférable à un volée de bois vert (on met en relation voler de bois vert, c’est-à-dire une expression idiomatique familier qui veut dire « picchiare » et voler de quatre marches que signifie « un pianerottolo formato da 4 gradini »). On a puis des antanaclases en calembour où on reprend non le mot mais un homophone comme dans On s’enlace puis en jour on s’en lasse c’est l’Amour et encore On se veut puis un jour on s’en veut c’est l’Amour. Dans une variante syntaxique, on peut éviter la répétition du mot en le rappelant sous forme d’un anaphorique ou d’une formule de comparaison : - Alors pour ne pas rester fille je le suis devenue (on substitue fille par le) ; - Des jeunes filles lassées de l’être (on substitue le sujet par le) ; - Quand elle vit le lit vide elle le devient (si on prononce lit vide comme livide on parle de la blessée) ; - L’orfèvre du quai du même nom (l’orfèvre c’est celui qui vend les bijoux et quand on parle de quai, on doit savoir que à Paris on trouve le Quai des offerts, une rue qui s’appelle de cette manière parce qu’elle se trouve sur les rives de la Seine, et le quai est la piste du train, mais aussi l’amarrage au port) ; - Qui se tasse comme l’agence russe de même nom (le verbe se tasser signifie « impilarsi », mais un temps on avait une agence d’imprimerie russe qui s’appelait Tasse) ; - Il prend un bureau du tabac dans un passage du même nom (le bureau du tabac c’est qui vend le tabac, mais passer quelqu’un au tabac veut dire le frapper) ; Professore Antonino Velez - Si cette voiture fut louée (Dieu le sait aussi) (le verbe louer veut dire « lodare » mais aussi « noleggiare », mais si on veut être plus précis, cette dernière ce n’est pas une antanaclase, parce que dans ce cas-là, louer est un jeu polysémique ou homophonique). L’antanaclase peut encore mettre en parallèle non plus deux homonymes mais deux mots qui appartiennent à la même catégorie sémantique, en particulier deux antonymes comme beau et laid, mais chacun des deux termes est pris dans une acception différente : l’un par exemple au sens propre, l’autre au sens figuré : - Il n’y a malheureusement pas de remède de bonne femme contre les mauvaises (on a la contraposition entre bonne femme et mauvaises) ; - On lui prête du génie mais il ne le rend jamais (la confusion ici c’est dans le verbe prêter, c’est-à- dire donner en prête , mais prêter du génie à quelqu’un signifie lui attribuer du génie) ; - Elle était revenue du bien des choses ce qui ne l’empêchait pas d’y retourner (dans le sens figuré être revenu du bien de choses signifie avoir affronté beaucoup de choses, mais ici on peut le dire dans le sens littérale) ; - Un chevalier d’industrie qui mérite d’être promu officier (le nom chevalier peut aussi indiquer le militaire qui peut avoir un titre supérieur et il peut devenir officier, ce qu’un chevalier du travail ne peut pas faire, et donc même ici on a un peu de chaos entre sens concret et sens figuré) ; - Général, il se veut farouchement particulier (la mise en évidence de général s’oppose à particulier mais ici général peut être le grade militaire) ; - Elle s’est trouvée mal (mais je la trouvais bien) (on trouve le même chaos ici entre sens figuré et concret) ; - Chouette, fait ce vieux hibou (on est sur des différents registres : chouette n’est pas seulement « civetta », mais dans le langage familier veut dire jolie, et donc on a la contraposition entre chouette et hibou , qui signifie « gufo »). L’à-peu-près La bonne règle de l’équivoque postule qu’elle soit cohérente à ses divers niveaux : que l’homonyme soit exact, que les deux messages aient un sens et que leur syntaxe soit respectée. Quand l’une de ces conditions manque on obtient un calembour plus ou moins approximatif, c’est-à-dire un à-peu-près. Quand on parle d’à-peu-près il y a deux type d’informations : la distorsion apparente, le lapsus, mais surtout la référence à l’originale qui est distorde, et on verra qu’une bonne partie de ces jeux se basent sur des références culturelles. L’à-peu-près peut être absurde, mais non toujours : quelque fois il peut avoir une satire efficace et il peut avoir du sens : - Le bulletin d’informacons (la référence c’est au bulletin d’informations, mais si on pense que ces informations sont stupides, on crée un néologisme quasi apocope, en formant informacons avec con, qui signifie stupide) ; - Faire partie du cucul-clan (la référence culturelle c’est au Ku Klux Klan en se moquant de cette septe raciste) ; - Pendant ce barbe-cul (la référence c’est au barbecue, donc ici on se moque de ça) ; - La loi salingue (on trouve une allusion historique : on parle de la loi des rois saliques, des rois francs qui ont émané des lois ; dans la langue argotique on parle de « sporcaccioni ») ; - En deux coups de cuillère à apôtre on se retrouvait chrétien (l’expression cuiller à apôtre ne signifie rien, mais cuiller à pot c’est « cucchiaio da minestra », tandis que apôtre c’est le personnage religieux, donc on a cette distorsion entre à pot qui devient apôtre) ; Professore Antonino Velez - Marie en Toilette (on entend Marie Antoinette) ; - Se rencarder sus ses fesses et gestes (on est dans des différents registres : selon le registre familier rancarder signifie s’informer, donc la phrase devrait être se renseigner sur ses faits et ses gestes, c’est- à-dire chercher informations sur toutes les informations d’une personne, mais si on écrit fesses et non faits on donne une différente signification) ; - Loin des instants péris (cela devrait être loin des intempéries) ; - Assurer ma suprême assise (suprême assise c’est une paronomasie de suprématie) ; - Minute pape Pie XI (par assonance, c’est la distorsion d’une expression familiale qu’on utilise surtout parmi les enfants, minute papillons, qui peut signifier beaucoup de choses, comme arrête- toi) ; - Exprimer leurs désirs-rata (on allude au mot latin desirata c’est-à-dire ses propres désirs, mais si on fait cette distorsion, on allude au verbe rater, qui signifie « fallire ») ; - Si jamais elle chope la Mélie en flagrant du lit (on a une distorsion phonétique par paronomasie : le verbe choper veut dire trouver quelqu’un en faisant quelque chose qu’il ne devrait pas faire, donc cela devrait être flagrant délit mais si on dit du lit on fait l’allusion à un réât sexuel) ; - Si tu es gai ris donc (cette phrase n’a aucun sens, sinon l’allusion au table français petit et rond, qui s’appelle guéridon : on est en plein délire verbal et un langage qui n’a plus de sens) ; - Une princesse russe (pour les bas tauliers de la vodka) (les tauliers sont selon l’argot des prisonniers, parce qu’on appelle la prison Taule ou tôle, mais tauliers peuvent aussi être des ivrognes : la référence ici est au fleuve Volga et donc serait les batailleurs du Volga, le titre d’une œuvre russe). Le pataquès A l’origine, le pataquès n’était qu’une fausse liaison, c’est-à-dire une liaison qui ne devait pas avoir lieu, par exemple tous les mots qui commencent par h qui ne permet pas la liaison comme dans le cas de héros. Dans les pataquès il n’y a pas de modification du mot, le mot reste le même mais ce qui change c’est l’attribution du sens, on confond la définition du mot (ex. Hier j’allais chez le médecin pour faire en ketchup complet, donc on confond le terme ketchup avec check-up). On peut dire que le pataquès est une des formes de l’à-peu-près, mais la différence c’est que le pataquès est un lapsus involontaire, alors que l’à-peu-près est prémédité à des fins expressives ou ludiques. L’à-peu-près et les pataquès peuvent prendre deux formes selon que l’approximation et l’altération portent sur le mot lui-même ou sur le sens : - Abdomen : monument mégalithique auprès duquel les peuplades superstitieuses de l’ancienne Gaule croyait entendre des grondements souterrains et des soupirs mystérieux (on confond le sens d’un mot par un autre mot : domaine et abdomen sont semblables) ; - Clavicule : petit piano d’enfant à clavier court (on confond l’instrument musical, le clavecin, et la partie du corps). Le mot étranger Les mots étrangers sont des formes de l’à-peu-près et de l’à-peu-près phonétique : l’équivoque se fonde sur une prononciation étrangère, dialectale ou pathologique : - Une grosse lagune à combler (comme disent les Vénitiens) (c’est un jeu de mot qui jeu sur lacune et lagune donc on a une distorsion et au même temps on a deux mots différents : il pourrait être à- peu-près et pataquès, où le jeu est explicité par les parenthèses) ; Professore Antonino Velez insulte, le deuxième indique l’objet qu’on utilise pour nettoyer et le dernier indique quelqu’un qui a une attitude fanfaronne). L’enchaînement par écho L’enchaînement par écho consiste à embrayer sur une question ou une formule par un mot ou une expression qui fait rime, donc c’est un jeu de renvois phonétiques. Il s’agit de phrases idiomatiques qui ne veulent rien dire avec lesquelles on interrompe la banalité par quelque chose d’inattendue : - Tu l’as dit, bouffi (c’est une manière ironique de donner raison à quelqu’un) ; - Tu parles, Charles (cela se réfère au fait qu’on veut donner raison à quelqu’un en lui donnant pleine solidarité) ; - Tu as tort, Totor (ici c’est le contraire, donc on donne tort à quelqu’un) ; - T’en fais-pas, papa (c’est pour consoler quelqu’un). L’enchaînement par automatisme Créer des combinaisons insolites ou absurdes est aussi le résultat de l’enchaînement par automatisme verbal. Les mots sont liés dans la mémoire par des combinaisons plus ou moins figés. C’est un fait connu et exploité des tests de la psychologie. Un mot comme pêche, par exemple, va suggérer à la ligne, à la baleine ou en Islande : ceci est la base du jeu de société qui consiste à se passer un mot de joueur à joueur, chacun devant enchaîner sur un nouveau mot à partir de celui qu’il a reçu. La charade à tiroirs La charade s’apparente, dans son principe, aux jeux de mots par substitution. On donne une définition à laquelle on devra substituer un mot équivalant. En revanche, la charade à tiroirs diffère seulement de la charade simple en ce que la définition de chaque élément y est remplacée par un calembour, nommé tiroir. Voici une charade à tiroirs classique : Mon premier n’admet pas qu’il est britannique Mon second évacue du bois par-devant et par-derrière Mon tour est une grande marque de pianos. Mon tout est Erard. L’enchaînement aléatoire Une de fonctions de l’enchaînement aléatoire est de créer des combinaisons insolites. L’un des procédés consiste à livrer de telles combinaisons au hasard : on trouve des références sur le mouvement surréaliste, qui jouait sur les mots et sur l’écriture automatique, et on a inventé aussi des jeux de mots, par exemple le jeu des cadavres exquis ou jeu des petits papiers : chacun écrit quelque chose sur des papiers et puis on lit les phrases qu’on crée. Un bon exemple d’enchaînement aléatoire, c’est l’Histoire de Camouflet (XVIIIe siècle), dont l’extrait est très banal et le jeu consiste à remplir les points de suspension en complétant les mots soulignés par des mots avec lesquels il se combinent dans les locutions figées : Le prince de Camouflet était un roi… Dans un vaste pays… Sous un beau ciel… Il régnait sur d’excellent sujets…, il les aimait et ne songeait qu’à soutenir leurs intérêts… Il avait une belle Professore Antonino Velez figure…, un port… majestueux. Il n’était ni petit…, ni grand… Sa tête… était bien posée sur son cou… L’inclusion Les jeux de mots dans lesquels un message plus ou moins secret s’inscrit à l’intérieur du texte donné font partie de l’inclusion. On peut distinguer trois groupes selon qu’il y a permutation, incorporation ou interpolation. La permutation On peut classer sous cette rubrique les jeux dans lesquels deux ou plusieurs sons échangent leur place à l’intérieur d’un mot ou d’une phrase ; c’est un phénomène qui peut se produire spontanément dans la métathèse accidentelle qui change, par exemple, formage en fromage. L’anagramme est la forme la plus connue de permutation. Le mot anagramme vient du grec γραμμα (lettre) et ἀνά, qui exprime une idée de renversement. L’anagramme consiste dans la transposition des lettres d’un mot ou de plusieurs mots d’une phrase, de telle façon que ces lettres forment un autre ou d’autres mots ayant une signification toute différente. La seule différence entre l’anagramme et le verlan est que l’anagramme fonctionne dans le point de vue graphique, tandis que le verlan fonctionne d’un point de vue phonétique. En principe, l’anagramme porte sur des noms propres : il s’agit de l’étymologie onomastique qui se pratiquait surtout pendant la Renaissance par les intellectuels qui se latinisaient le nom, parce que le latin était la langue de la culture ; et donc à partir de leurs noms et prénoms latinisés, ils essayaient de l’anagrammer pour trouver leur destin. En effet, on trouve l’anagramme dans la Cabale, ou est utilisée pour découvrir derrière les noms, des sens cachés, mystérieux et prophétiques. C’est aussi un des moyens de la flatterie et de la satire et donc un divertissement de cour : déjà pratiqué par les Grecs et les Latins, il refleurit sous cette forme à la Renaissance, par exemple avec Pierre de Ronsard qui devient Rose de Pindare. Le Moyen Age est particulièrement sensible à la valeur étymologique : ainsi dans Roma on trouve amor, ce qui permet de faire de Rome la ville de l’Amour, cependant que l’étymologie homonymique y voit le grec rôme, qui signifie force, puissance. L’anagramme est désormais un jeu qui, pour beaucoup, garde encore ses puissances étymologiques latentes. L’anagramme se manifeste par des combinaisons de syllabes (temps/temple) ou de graphèmes (peur/pure). La désintégration graphique d’un mot initial en implique parfois la création d’autres pour que la restitution des graphèmes soit complète : Rrose Sélavy proclame que le miel de sa cervelle est la merveille qui aigrit le fiel du ciel. Ce jeu accompagne une contrepèterie avec croisement consonantique à une série de paronymes. Dans un autre cas, le jeu se rapproche de la contrepèterie : Voyageurs, portez des plumes de paon aux filles de Pampelune. La juxtaposition sonore entre paon et Pampelune s’ajoute à plumes/Pampelune ; le tout constitue un anagramme phonétique par inversion syllabique et approximation. Les classiques ont censuré l’anagramme comme ils l’ont fait du calembour, voyant dans l’un et l’autre des jeux vains et puérils, mais les surréalistes n’ont pas manqué de s’en amuser, par exemple André Breton surnommait Salvador Dalí Avida Dollars, et en effet Dalí lui-même se définissait avare. On peut enfin ajouter que les pseudonymes sont souvent une forme anagrammatique du nom de l’auteur : le plus célèbre est celui d’Alcofrybas Nasier, c’est-à-dire François Rabelais. L’anagramme est à la base de nombreux jeux de société, dont le principe est de former un mot ou des mots à partir de mots ou de lettres proposés au joueur. Il était déjà pratiqué à la Cour de François Ier, sous le nom de jeu de l’anagramme, et d’une façon sensiblement plus subtile : les joueurs disposant de lettres inscrites sur des cartons, l’un d’eux formait un mot que son adversaire devait retrouver à partir des cartons préalablement brouillés ; le jeu comportait aussi des variantes, celle par exemple, où l’on donnait aux joueurs un mot dont ils devaient tirer le plus grand nombre possibles d’anagrammes. Autre type de permutation est le logogriphe. Le mot vient du grec λόγος, c’est-à-dire discours et γρίφος, c’est-à-dire filet, donc il indique un discours captieux et obscur en forme d’énigme. Alors que la charade décompose tout en Professore Antonino Velez syllabes, le logogriphe en tire des anagrammes par permutation ou suppression de lettres (ex. Par quatre pieds j’entends et par trois je réponds, où pieds correspondent aux lettres, et donc les premier doivent être interprétés comme ouïe, tandis que les derniers comme oui). On trouve aussi la contrepèterie avec le logogriphe. Appelé autrefois άντίστροφος, c’est une sorte d’anagramme qui consiste à une permutation des lettres que l’on fait subir à un ou plusieurs mots, de manière à en altérer le sens tout en en conservant leur consonance. La contrepèterie est souvent née pour être obscène (ex. Un sot pale et un pot sale, où en changeant les lettres on crée un jeu d’allitération). La contrepèterie La contrepèterie offre dans ses combinaisons une multitude de visages, mais la résolution des problèmes qu’elle pose est facilitée par le fait que Robert Desnos fournit toujours la question et la réponse. Dans la contrepèterie consonantique, les consonnes échangées peuvent se trouver au début des mots, tandis que dans la syntaxe classique, le groupe de mots, généralement deux, constitue la structure de base pour les équivoques et les lapsus : - Est-ce que la caresse des putains excuse la paresse des culs-teints ? (la contrepèterie est entre caresse/paresse et putains/culs-teints) ; - Dans le sommeil de Rrose Sélavy il y a a un nain sorti d’un puits qui vient manger son pain, la nuit (la contrepèterie est entre nain/pain et puits/nuit) ; - Rrose Sélavy demande si les Fleurs du Mal ont modifié les mœurs du phalle : qu’en pense Omphale ? (la contrepèterie est entre Fleurs du Mal/mœurs du phalle) ; - Debout sur la Carène, le poète cherche une rime et croyez-vous que Rrose Sélavy soit la reine du crime (la contrepèterie est entre Carène/reine et rime/crime) ; - Rrose Sélavy se demande si la mort des saisons fait tomber un sort sur les maisons (la contrepèterie est entre morts des saisons/sort sur les maisons). Les initiales des mots s’échangent en variant l’orthographe pour le même son, créant un lapsus qui rend inévitable la division d’un mot. Les consonnes permutantes peuvent se trouver dans la même contrepèterie à l’intérieur et au début des mots (ex. Aimable souvent est sable mouvant, où la consonne s de sable est liée, bien qu’elle se trouve dans la séquence sonore est/sable, dans un parallélisme étroit avec celle de aimable). Si le jeu de mots est difficile à comprendre à l’écoute, au contraire le schéma visuel apparaît évident. Il arrive que Desnos néglige le croisement sonore au profit du parallélisme graphique. Dans le cas de Amoureux voyageur sur la carte du tendre, pourquoi nourrir vos nuits d’une tarte de cendre ?, par exemple, il existe un chiasme consonantique basé sur le t. En même temps, un autre chiasme transforme le graphème et phonétiquement de /k/ à /s/, dans le simple but de conserver la même expression orthographique. La contrepèterie, par échange consonantique, peut être liée à un autre type de jeu, par exemple le calembour phonétique Tristan Tzara : quel plus grand outrage à la terre qu’un ouvrage de verre/vers? Qu’en dis-tu, ver de terre ?, la contrepèterie investit les mots outrage/ouvrage et terre/verre/vers/ver et le calembour mal interprète sur les homophones de /ver/. Dans la contrepèterie vocalique, au contraire, les voyelles échangées peuvent être composites et renvoyer à quelque chose qui n’est pas présent mais qui est culturellement évident. L’interpolation Ce type d’inclusion consiste à introduire dans le corps des éléments conventionnels parasitaires qui dissimulent la forme en la brouillant. Ces interpolations ont leur modèle dans trois types de codages : - Les codes argotiques, qui viennent de l’argot, la langue spéciale de la pègre, c’est-à-dire l’ensemble des mots propres aux truands, et des malfaiteurs, créés par eux et employés par eux à l’exclusion des Professore Antonino Velez - Aujourd’hui, l’argot est diffusé parmi toutes les classes sociales de la société française. Grand Corps Malade et l’argot Dans la chanson Je viens de là, le chanteur Grand Corps Malade représente des scènes de la banlieue : il les chante comme s’il les voyait devant lui. Il essaie d’affronter les clichés que la population se crée de la banlieue surtout parce qu’elle ne voit que la présentation de ces quartiers dans les médias qui sont souvent prévenus contre eux et mettent tout et tous dans le même sac. Il les présente comme un vrai fait par exemple dans la strophe : J’viens de là où la violence est une voisine bien familière / Un mec qui saigne dans la cour d’école c’est une image hebdomadaire, alors qu’il est clair qu’au moins à lui, ces idées sont tellement fautes. Il confronte ces clichés avec ses idées qui doivent certainement surprendre ceux qui croient à celles dans la strophe précédente : J’viens de là où on d’vient sportif, artiste, chanteur / Mais aussi avocat, fonctionnaire ou cadre supérieur. Le but de cette chanson est alors dire que les images de ceux qui ne vivent pas dans la banlieue peuvent être fautives, qu’il ne faut pas en avoir peur parce que J’viens de là où comme partout quand on dort on fait des rêves / J’viens de là où des gens naissent, des gens s’aiment, des gens crèvent, mais ce n’est quand même pas la même culture car c’est une région qu’a un sacré caractère . En outre, il y a beaucoup d’éléments à analyser : - La chute de ne dans toutes les négatives, parce qu’il s’agit d’un langage familier ; - Le mot mecs vient de l’argot et signifie garçons ; - Trainer en bande signifie perdre son temps, faire du laiche vitrine ; - Le terme ça souvent substitue on ; - Foot est pris de l’anglais ; - Le mot textiles est une métaphore de vêtements ; - Le mot rebeu est une double verlanisation : du mot arabe on arrive au verlan beur et puis rebeu ; - Vannes et chambrette en italien sont les « battutacce » ; - Maitrise est le correspondant français de « triennale », tandis que le D. E. A. est une spécialisation après le bac. Avec ces mots, le chanteur veut dire que les gens de la banlieue n’ont pas de culture, mais dans la vie quotidienne ils sont des maîtres car ils ont fréquenté l’université de la vie et de la rue ; - Se démerder veut dire qu’il savent s’arranger et affronter la vie ; - Carotter est un mot français technique, qui vient du carottage, mais qui a été modernisé par l’argot, et donc signifie « fregarci », « per fregarci ce ne vuole » ; - On jure… indique qu’ils sont des menteurs, déjà à neuf ans il savent comme mentir ; - Le grec pour un parisien est le vendeur de kebab ; - Gros sons indique la musique à haut volume ; - Nique ta mère est un mot vulgaire qui en italien signifie « fanculo tua madre » ; - Kiffer vient de l’arabe et signifie aimer, mais il peut indiquer aussi le kiff, c’est-à-dire le haschisch ; - Expiration et inspiration riment ; - La tentation t’fait des appels spécifique qu’ils sont toujours sollicités par des choses illégales ; - Les magouilles sont les affaires illicites ; Professore Antonino Velez - À la pelle veut dire « a palate » en français standard ; - Les odeurs sont les diverses types de cuisine : pour l’auteur la diversité est très importante ; - Parano est l’apocope de paranoïaque ; - Caractère est un mot polysémique qui veut dire aussi personnalité ; - Sacré est un mot polysémique qui veut dire aussi très fort, c’est un renforcement ; - Tous en peu chauvin est en peu raciste par rapport à ceux qui ne font pas partie de la banlieue ; - Sales gamins signifie « sporchi ragazzini », mais non pas dans le sens littérale, mais plutôt ils sont mauvais ; - Argent de poche en français est « paghetta ». Typologie des traductions des jeux de mots L’ouvrage de Jacqueline Henry, La traduction des jeux de mots, au titre explicite, explore une question sur laquelle la plupart des théoriciens de la traduction ou de la littérature se sont, un jour ou l’autre, prononcés mais qui, à ma connaissance, n’avait pourtant encore jamais fait l’objet d’une étude aussi approfondie. La distinction qui est établie entre différents types de traduction des jeux de mots est essentiellement fondée sur le maintien ou non du même procédé que dans l’original, c’est-à-dire du même type de jeu de mots, que la motivation de cette identité ou de cette distanciation soit plutôt linguistique, fonctionnelle ou contextuelle. C’est pourquoi les trois premières catégories sont appelées : - Traduction isomorphe, du grec ἴσος, signifiant égal, et μορϕος, forme ; - Traduction homomorphe, d’ὁμός, semblable et μορϕος ; - Traduction hétéromorphe, d’ἕτερος, autre, et μορϕος ; - Traduction libre, qui permet de passer de jeux de mots, dans l’original, à des formes sans jeu de mots dans la traduction, ou vice versa. La traduction isomorphe Dans la traduction isomorphe il y a égalité totale entre le jeu de mots source et le jeu de mots cible. Il est certain que la traduction isomorphe des jeux de mots n’est pas la plus fréquente, mais elle n’est pas non plus fortuite. Les prétendus accidents de langue qui la rendent possible sont en réalité parfaitement explicables et il apparaît qu’en théorie, sur certains types de termes, ils sont largement multipliables. Un exemple de ce type de traductions est le mot-valise monumentan, cité par Sigmund Freud : J’étais en train de parler à une dame des grands mérites d’un chercheur que je considérais comme injustement méconnu, lorsque celle-ci déclara : Mais cet homme mérite qu’on lui élève un monument (monument en allemand). – Peut-être l’aura-t-il un jour , répondis-je, mais pour le moment (momentan en allemand), il a bien peu de succès . Les termes « monument » [monument]et « monumentané » (ment) [momentan]sont de sens opposé. La dame réunit alors les opposés en disant : Souhaitons-lui donc un succès monumentané [monumentan]. Comme il a déjà été dit, dans ce cas, l’allemand et le français permettent de traduire ce jeu de mots à l’identique, c’est-à-dire non seulement en copiant le modèle de composition, mais également en reprenant les mêmes termes. Il s’agit donc d’une traduction par transcodage, c’est-à-dire reprenant à la fois les mots qui correspondent à ceux de l’original et le type de jeux de mots utilisé. Professore Antonino Velez La traduction homomorphe La traduction homomorphe est le procédé de traduction d’un jeu de mots par lequel l’original est rendu par le même procédé, par exemple un anagramme par un anagramme ou un calembour sur le son par un calembour sur le son. Cette traduction est sans doute celle vers laquelle le traducteur a le plus tendance à s’orienter dans la première phase de sa recherche d’un équivalent à un jeu de mots étranger. Dès qu’il lui apparaît, ce qui est très rapide, qu’il n’est pas possible de recréer un jeu sur les mots qui correspondent à ceux de l’original, il cherche à trouver, dans sa langue, un équivalent fondé sur d’autres termes (suggérés par le contexte ou par appel à son bagage cognitif) mais conservant le même procédé. Quand Mme Baker, du roman Free live free dit que lorsqu’elle a vu M. Free à la télévision, it was not quiet dinner time (littéralement, ce n’était pas calme l’heure du dîner) en déformant not quite dinner time (pas tout à fait l’heure du dîner), il est également tout aussi satisfaisant et simple de reprendre le principe de la déformation paronymique pour produire, en français, ce n’était pas toutefois l’heure du dîner à partir de ce n’était pas tout à fait l’heure du dîner ; mais une autre solution, du genre ce n’était pas tout à fait l’or du dîner donnerait tout aussi bien l’idée des maladresses verbales de Mme Baker. La traduction homomorphe consiste à rendre un jeu de mots original par le même procédé : en dépit de ce que peut laisser penser cette définition, ce type de traduction offre une grande latitude au traducteur, parce que le procédé verbal utilisé ne doit pas être pris au sens le plus étroit, mais plutôt au niveau des catégories de jeux de mots. Ainsi, un palindrome rendu par un anagramme serait bien une traduction homomorphe, parce qu’un palindrome n’est qu’un cas particulier d’anagramme. En ce qui concerne les calembours, deux exemples ont montré que même en restant dans les limites de la traduction homomorphe, un même jeu de mots peut être traduit de plusieurs façons satisfaisantes, parfois avec un certain écart par rapport à la formulation originale. Le premier est le fameux aphorisme traduttore, traditore, jeu paronymique qui peut être traduit, en français, par au moins cinq jeux de mots différents : traduction, trahison (calembour paronymique), traduire, trahir (calembour paronymique), traduire, c’est trahir (calembour paronymique à forme proverbiale), qui dit traduire, dit trahir (calembour paronymique à forme proverbiale) ou traduire, c’est trahir un peu (calembour paronymique avec allusion à une formule célèbre). Il ressort de cet exemple que tout en restant dans la même catégorie (calembour sur le son), et en conservant, ici, jusqu’au même type de plurivalence (la paronymie), de multiples solutions sont possibles. Cette variété est possible grâce, entre autres, à l’analyse de la valeur pragmatique de ce jeu de mots, qui peut amener à reprendre le modèle des formules proverbiales ou d’une citation connue pour rendre le jeu de mots cible plus percutant et plus facile à mémoriser. La traduction hétéromorphe La traduction homomorphe est réalisable, parfois même impérative, mais elle peut aussi être difficile, voire impossible ; or dans certains cas, pour ne pas briser la cohérence et la lisibilité d’un texte, il vaut mieux opter pour la traduction hétéromorphe, c’est-à-dire pour un jeu de mots d’un type autre que celui de l’original. En effet, la conservation du même procédé ne suffit pas garantir la réussite, c’est-à-dire la reproduction de la fonction et de l’effet d’un jeu de mots. Plutôt que de produire un jeu de mots peu naturel, qui ne respecte pas les caractéristiques de la langue d’arrivée et s’insère mal dans le contexte en langue cible, il est préférable de recourir à un procédé plus compatible avec la langue de traduction afin de trouver un jeu de mots qui coule mieux et ne gêne aucunement la lecture de la traduction. L’existence du contexte peut déterminer le choix entre une traduction homomorphe et une traduction hétéromorphe qu’on peut démontrer avec l’exemple de la contrepèterie pull a rabbit out of a hat/pull a habit out of a rat . En effet, il est techniquement possible, en français, de produire une contrepèterie, Si un magicien peut faire sortir un lapin de son chapeau, un chercheur peut faire sortir un chat peint de son labo, mais il serait difficile d’introduire, dans le texte cible, des éléments qui légitimeraient l’introduction d’un chat peint, d’autant plus que dans l’original la deuxième partie de la phrase se réfère clairement à l’auteur, psychologue, dont les premières expériences en université Professore Antonino Velez - Se gratuler est aphérèse de se congratuler ; - Il y a des hyperboles, c’est presque surréel et finalement, il tombe de style pour donner un double sens vulgaire avec sortir la queue, où queue indique le pénis ; - Au lieu de la féerie escomptée, bernique où ce dernier terme vient de l’argot et signifie « col cavolo ! » ; - La môme est le mot familier pour enfant ; - À prix de faveur signifie « da quattro soldi » ; - Penchée sur la montagne de viande pas fraîche est une métaphore pour indiquer le ravisseur, Kazaldi, qui est grasse et vieil ; - Ce gonzier est l’argot de cet individu ; - Un quart de tonne joue encore sur le fait que le ravisseur est gras ; - Faut pas pousser ! veut dire que c’est incroyable ; - Très serré on le dit généralement du café et signifie très fort ; - Brouettés de graisse pas fraîche indique encore le graisse du ravisseur ; - Un regard de marchand de capotes anglaises d’occasion où capote c’est le préservative et donc un vendeur de capotes anglaises usées est une image absurde ; - Ravissante poulette est encore une fois du champ sémantique du verbe ravir ; - Pouète est écrit avec la prononciation de la Provence ; - La Belle et la Bête et Blanche Neige sont des références à des fables ; - On reprend la manière métaphorique de parler, en modulant aussi les mots, comme dans monticule, un néologisme que l’auteur crée de monte ; - Rebuffer veut dire répondre de manière violente et sèche ; - Colère verte est une expression qu’on dirait « rosso di rabbia » en italien ; - T’ayes plus de dosette est tout argot, on se réfère à une dose de sédatif ; - Tu veux qu’j’y remplace ça d’un mignon taquet pour jeune fille à la pointe de la galoche ? est toujours argot qui signifie « Vuoi che do un pugnetto gentile sotto il mento? » ; - Je hoche la tête veut dire « annuisco » ; - Dare-dare est l’argot pour dire très vite ; - Sinon on va plonger dans la grosse mitoune avant peu est une métaphore créée par la police ; - Tu parles que… est un enchaînement par écho, qui signifie c’est sûr : il n’a rien à voir avec le sens littérale ; - Le soporifique manuel est une métaphore pour indiquer un poing ; - Bibi est l’argot pour dire moi-même ; - Mammouth ne sent pas sa force serait Béru parce qu’il est grand et un peu animalesque ; il s’agit d’un jeux polysémique : sentir physiquement mais aussi sentir pour les odeurs ; - Je me fabrique un joli poing… est une hyperbole ; - Je vois chavirer son égard veut dire « traballare » ; - On se casse vient du langage familier et veut dire on s’en va ; Professore Antonino Velez - Gravos est gros où on introduit un v. Astérix et les jeux de mots Astérix est une bande dessinée réalisée par René Goscinny e Albert Uderzo, apparue pour la première fois en 1959 dans la revue Pilote. La bande dessinée raconte l’histoire de France au temps de l’Empire Romain, en effet l’idée était de reproduire une sorte d’épopée de la France en soulignant sa grandeur ; l’histoire est racontée par deux héros : Astérix et Obélix. Le premier est petit et rusé, tandis que le second est stupide et gros : le comique se trouve justement dans le fait qu’il s’agit d’un couple très inhomogène. L’histoire se déroule dans le petit village Le Gaul, situé dans le nord de la France, en Bretagne. Ce village a une particularité : on y trouve une potion magique crée par les druides, ce qui rend les habitants d’une force surhumaine, utile pour vaincre les ennemies, les Romaines. Même si Astérix est une bande dessinée qui s’adresse aux enfants et aux adultes, grâce à la multitude de références cultivées, au début elle n’a eu succès parce que les Américains pensaient qu’il s’agissait d’une bande dessinée pour enfants et, en générale, elle avait des références culturelles trop loin de la culture américaine. Après, Astérix a eu un grand succès en France, en Italie et en Allemagne, mais non pas aux États Unis, où il y avait le problème de la traduction : on ne savait pas comment traduire tous les jeux de mots. La Rose et la Glaive (1991) est le premier volume d’Astérix à être sorti simultanément en France et dans d’autres pays. Les traducteurs avaient comme point de repère une liste de jeux de mots qu’il devraient réussir à traduire. Pour ce qui concerne la couverture, c’est toujours le même, mais ce qui change est le titre : il devient The Secret Weapon en anglais, un mot plus lié à l’intrigue, mais il reste le même en italien. En effet, la glaive est une épée utilisée par l’armée romaine. Donc la traduction anglaise est simplifiée, orientée à un public d’ados : en éliminant la glaive du titre, considéré un mot compliqué, on rend la bande dessinée plus accessible : c’est sans doute une stratégie éditoriale. L’histoire commence avec une petite fille qui veut jouer à faire la guerre, mais les petits garçons l’exclurent parce qu’elle est une femme. Puis on a un vendeur de poisson qui se dispute avec tout le monde parce qu’il considère son poisson le meilleur, tandis que tous les autres le considèrent pourri : c’est la représentation de tous les vices des français. Chaque village dans Astérix a son nom, et tous le lieus et tous les personnages contient dans leur nom un jeu des mots. Il y a quatre campements romains autour du village, qui n’ont pas été traduit en italien, même parce que pour deux entre d’eux le jeu fonctionne aussi en italien, Aquarium et Laudanum : le premier est très semblable à acquario, tandis que le second est une plante médicinale ; tous les noms romains finissent par -um ou par -us, donc avec une désinence pseudo-latine. Les autres deux campements sont Babaorum et Petitbonum, qui ne disent rien en italien, tandis qu’en français ils sont des jeux de mots homophoniques : Babaorum est un peu comme baba au rhum, tandis que Petitbonum est un jeu par enchaînement qui vient de petit et bonhomme, qu’en français signifie « omuncolo ». Même le nom d’Astérix est une paronomasie avec astérisque, pour souligner le fait qu’il est petit ; dans son nom il y a aussi la racine Aster que dans la langue celtique signifie chef ou guide. Tandis que le nom d’Obélix est une paronomasie avec obélisque, parce qu’il porte toujours de grandes pierres ; on trouve ici la racine obé de obèse. Pas tous les noms sont traduits : le barde s’appelle Assurancetourix de assurance touristique, qu’en français est un jeu par enchaînement dans lequel on trouve les mots de l’assurance contre tous les risques, et le comique est dans le fait qu’en réalité, il est toujours frappé par ses collègues ; en italien on ne le traduit pas. Il existe plusieurs théories de la traduction en relation avec les bandes dessinées : l’une d’elles est de type linguistique et se concentre sur des éléments tels que les onomatopées, les noms propres et l’utilisation de jeux de mots. Dans les albums de Astérix écrits par René Goscinny et dessinés par Albert Uderzo, de nombreux jeux de mots exploitent l’opposition entre le sens propre et le sens figuré des mots et des expressions. L’un des deux sens est plus manifeste que l’autre, tandis que le sens latent est mis en évidence par un mot ou un dessin : - Vignette 1 tirée de Astérix la rose et le glaive Professore Antonino Velez [La mère de la petite fille qui veut houer à faire la guerre reproche un des petits garçons qui l’exclurent car elle est une femme, le fils du vendeur de poisson] FR. Mère : As-tu fini d’empoisonner le monde, espèce de chenapan ! Petit garçon : Fa y est ! F’est encore et toujours de ma faute ! IT. Madre: Ma la pianti di asfissiare tutti quanti, mocciosetto? Piccolo ragazzo: Ecco, lo sapevo io, è sempve colpa mia! Le verbe empoisonner est polysémique parce que se lie à poisson et aussi à poison pour retourner au fait que le vendeur de poissons vend des poissons pourris ; donc il s’agit d’un calembour filé ou complexe, et un jeu polysémique et paronymique. En outre, le fils du vendeur de poisson parle avec la langue de chiffon Fa y est ! : il s’agit d’un à-peu-près, une prononciation errée due à la région. Dans la traduction italienne on utilise le verbe asfissiare, toujours polysémique : d’un côté il signifie faire mourir pour l’odeur , donc on fait allusion au poisson pourri, mais d’autre coté il signifie couper le souffle pour la proximité ; c’est justement un escamotage pour jouer toujours avec le poisson pourri. La prononciation du fils du vendeur de poisson, ici est donnée par l’à-peu-près de la r moscia, donc il s’agit d’une homomorphie partielle ; - Vignette 2 tirée de Astérix la rose et le glaive [Le vendeur de poisson, le père du petit garçon arrive et la mère de la fille se réfère à lui] FR. Mère : Pas étonnant quand on a un père qui empoisonne déjà tout le village avec du poisson avarié ! Vendeur de poisson : Ah ! Madame ! Si vous étiez votre mari je… IT. Madre: Non c’è da stupirsi con un padre che asfissia tutto il villaggio col suo pesce marcio! Pescivendolo: Cara la mia signora, se lei non fosse lei ma suo marito io… Ici on joue graphiquement avec empoisonner et poisson, en créant un jeu in presaentia, tandis que dans la vignette précédente c’était in absentia ; il s’agit d’un jeu paronymique. Pour ce qui concerne le vendeur du poisson, il représente le stéréotype du machisme, en effet il allude au fait que s’il avait été le mari de cette femme, il l’aurait battue, mais vu qu’elle est une femme qu’il ne connait pas, il ne la touche pas. Le lettrage est typique d’un parleur à voix haute et de la colère. Il s’agit d’une langage haute, pas colloquiale. Dans la traduction on reprend le verbe asfissiare de manière cohérente, en jouant avec l’odeur du poisson pourri, et donc on utilise une polysémie. Il s’agit d’une traduction homomorphe, et même ici le langage est plutôt haut ; - Vignette 3 tirée de Astérix la rose et le glaive [Une femme barde, qui fait partie du mouvement féministe, a pris la place d’un vrai barde, Assurancetourix, et c’est là qu’on commence une dispute entre elle et le barde Assurancetourix] FR. Femme barde : Et alors ? Les femmes bardes, ça existe non ? Assurancetourix : Non madame ! Une barde ça n’existe pas, ou alors c’est une tranche de lard !!! Femme barde : Et vous, vous savez ce que vous êtes ? Assurancetourix : Ah ! Madame soyez polie ! Astérix : Ça barde là-bas ! IT. Donna bardo: Beh? Non hai mai visto una donna barda, tu? Assurancetourix: E tu non hai mai sentito il detto: meglio bardi che mai! Donna bardo: Sai cosa ti dico?! Professore Antonino Velez Obelix: Com’è dolce sentir con attrazion fatale l’aroma fragrante d’arrosto di cinghiale. On trouve la parodie d’un vers alexandrin, le vers classique français qui rappelle Baudelaire. Le comique se trouve dans le fait qu’il parle d’une manière totalement opposée à sa personnalité. La traductrice a traduit la rime, mais elle a créé les heptasyllabes, un vers plus classique italien qui rappelle Leopardi. Avec l’expression Capiti a fagiolo on reste dans le champ sémantique de la cuisine, et donc c’est une traduction libre de non-jeu de mots à jeu de mots ; - Vignette 10 tirée de Astérix la rose et le glaive [Astérix parle avec le chef du village pour se libérer de la barde et le chef lui conseille de l’embêter] FR. Astérix : Non, mais il est vexé qu’on puisse le contester en faveur d’une étrangère au village ! Abraracourcix : Bah ! Je nous fais confiance ! On va tellement raser cette barde qu’elle partira d’ici rapidement ! IT. Asterix: No, s’è disamorato perché l’hanno contestato a favore di una straniera… Abraracourcix: Bah! Ho fiducia in noi: agiremo… in barba alla barda, finché non se ne andrà a gambe levate! Dans la réponse d’Abraracourcix, le verbe raser est polysémique, parce que dans le français standard signifie « radere », mais dans un langage familier signifie embêter, donc on fait une allusion in absentia à barbe ; on trouve ici une allitération. En italien, on traduit avec le même jeu, mais l’allusion ici est in presaentia. Il faut noter qu’en italien est très fréquent l’utilise des points de suspension pour attirer l’attention du lecteur ; - Vignette 11 tirée de Le Tour de Gaule d’Astérix [Le centurion Lucius Fleurdelotus demande à ses légionnaires de lui couvrir pendant qu’il s’occupe d’arrêter les Gaulois, qui s’apprêtent à rentrer dans le village, après avoir fait le tour de toute la Gaule] FR. Centurion : Couvrez-moi ! Je vais les arrêter ! IT. Centurione: Copritemi! Vado a fermarli! Cette blague présente un jeu polysémique qui exploite l’opposition entre le sens propre du verbe couvrir (« coprire »), et le figuré (« coprire », dans le sens de protéger quelqu’un). Le sens le plus évident est figuré, mais le sens propre est concrétisé par la vignette suivante dans laquelle est représenté le centurion réellement couvert par les légionnaires : l’ambiguïté de ce verbe anticipe ce qui se passe immédiatement après que le centurion prononce cette phrase. Il ressort de l’analyse du texte italien que le jeu de mots a été traduit sans causer de perte, car le verbe correspondant, c’est-à- dire coprire, possède la même extension sémantique que l’original, et la traduction littérale s’impose. Selon Jacqueline Henry, cette traduction peut être appelée isomorphe, car elle est sémantiquement égale à l’original. Les problèmes de traduction se posent, en revanche, en présence de différences syntaxico-lexicales entre les éléments de la langue source et de la langue cible, comme dans le cas d’expressions et de termes ayant une extension sémantique différente d’une langue à l’autre ; - Vignette 12 tirée de Astérix chez les Belges [Lors d’une assemblée tenue au Sénat romain, au cours de laquelle plusieurs questions ont été soulevées, l’un des sénateurs met en lumière la situation de Pise, touchée par la sécheresse] FR. Sénateur : Nous devons nous pencher sur Pisae, et… IT. Senatore: Rivolgiamo la nostra attenzione verso Pisae, e… Le verbe pencher, dans ce cas, est utilisé soit comme verbe intransitif, avec le sens de pendre, soit comme verbe pronominal avec le sens de s’intéresser à quelqu’un ou à quelque chose ou de tourner l’attention vers quelqu’un ou quelque chose (sens figuré). Le jeu entre les deux valences du verbe ne Professore Antonino Velez peut être saisi par le lecteur qu’en ayant recours à des connaissances extralinguistiques, en effet pencher fait référence à la Tour de Pise, célèbre pour le fait d’être inclinée. La comédie de cet énoncé est complexe, car elle est liée non seulement au jeu linguistique, mais aussi à la présence d’un élément appartenant au présent, transféré à une époque révolue, quel est le contexte dans lequel se situe Astérix : les anachronismes par la transposition du présent dans le passé sont un trait caractéristique de cette bande dessinée. En italien, l’acception intransitive et l’acception pronominale du verbe pencher sont exprimées respectivement par deux verbes différents, c’est-à- dire, pendere et rivolgere l’attenzione verso qualcuno o qualcosa. Dans ce cas, une traduction littérale, dobbiamo pendere verso Pisa, produirait une phrase vide de sens. Le traducteur, comme il ressort du texte traduit, a opté pour le sens figuré, choix qui a permis, au moins, de maintenir le sens général du discours ; - Vignette 13 tirée de Le Devin [Un devin, manœuvré par les Romains, pour les inciter à fuir, a prédit aux Gaulois qu’une malédiction allait s’abattre sur le village. Mais Panoramix, en préparant une potion qui rend l’air irrespirable et malodorant, agit avec ruse et parvient à éloigner les ennemis. Le chef du village Abraracourcix étant soutenu par ses porteurs sur un bouclier, est au-dessus de la couche d’air malodorante et ne peut donc pas sentir l’odeur] FR. Porteur : Chef ! Tu devrais te pencher un peu plus sur nos problèmes ! IT. Portatore: Capo! Dovresti calarti un po’ di più nei nostri problemi! Dans cette vignette le jeu polysémique est basé encore sur le verbe pencher. Le sens figuré reste interessarsi a, mais c’est inclinarsi plutôt que pendere, car il est fait référence à la position la plus inclinée qu’Abraracourcix devrait prendre pour pouvoir sentir comment les autres sentent la mauvaise odeur émise par la potion. Se trouvant sur son bouclier, soutenu par ses deux porteurs, il est placé dans une position plus élevée que les autres, ce qui lui évite l’expérience olfactive désagréable. Dans ce cas, contrairement au précédent, le traducteur a réussi à trouver un vocable équivalent, calarsi, capable de maintenir le double sens exprimé par l’original. La langue d’Astérix est riche en jeux de mots polysémiques basés sur des expressions idiomatiques dont l’opposition entre le sens littéral et le sens figuré est exploitée. Dans ces cas, il n’est pas facile d’effectuer une traduction qui parvienne à maintenir la duplicité sémantique ; - Vignette 14 tirée de Le Bouclier Arverne [Astérix et Obélix sont à la recherche du Bouclier Arverne afin d’éviter qu’il ne tombe entre les mains de César. Soupçonnant l’aubergiste Perrus de l’avoir (dont le nom dans la version italienne est Cocoritus), ancien légionnaire romain, ils se rendent à son auberge et, après avoir mis hors de combat des soldats romains, ils invitent le propriétaire du local à parler] FR. Astérix : Parfait ! Toi aussi tu vas te mettre à table, mon bon Perrus. IT. Asterix: Ottimo! Mettiti anche tu a tavola con noi, mio caro Cocoritus. La phrase prononcée par Astérix semble être une invitation offerte à Perrus à s’asseoir à table avec lui et Obélix, mais, considérant se mettre à table comme une locution, avec le sens de confesser, cracher le morceau , elle doit plutôt être comprise comme une demande de confesser l’endroit où le Bouclier est caché. La traduction des jeux de mots polysémiques basés sur des expressions idiomatiques pose des problèmes, car, le plus souvent, la formule correspondante, dans la langue cible, est différente d’un point de vue lexical. Par conséquent, si l’on utilisait l’équivalent vuotare il sacco, on perdrait le sens littéral, c’est-à-dire l’invitation à s’asseoir à table. En opérant au contraire une traduction littérale, comme l’a fait la traductrice, on perd l’expression idiomatique et son sens global. Le traducteur, donc, pour recréer un jeu, aurait dû utiliser un verbe comme spiattellare qui créerait une référence sémantique à l’univers de la cuisine, ou aurait pu utiliser la formule Cosa bolle in pentola? associée à l’invitation à s’asseoir avec eux ; Professore Antonino Velez - Vignette 15 tirée de Le Tour de Gaule d’Astérix [Astérix et Obélix ont été volés, et à leur réveil, ils s’aperçoivent que le sac de mets qu’ils ont ramassé à chaque étape du Tour de Gaule a disparu ; ils montent donc sur leurs deux chevaux à la recherche. Obélix saute alors lourdement sur son cheval en disant Hop !] FR. Cheval : Encore lui ? Mais je l’ai toujours sur le dos alors ? IT. Cavallo: Ancora lui? Ma ce l’ho sempre io sul groppone? L’expression idiomatique avoir quelqu’un sur le dos (« avere qualcuno che sta col fiato sul collo ») est utilisée quand on se plaint de la présence constante de quelqu’un qui ne donne pas de répit. Dans ce cas, l’expression exprime l’intolérance du cheval qui ne supporte pas le poids considérable d’Obélix. L’effet comique réside dans la coïncidence entre le sens littéral, avoir quelqu’un sur le dos , et la situation iconique, qui montre Obélix réellement sur le dos du cheval. Le traducteur, dans ce cas, a réussi à trouver une solution qui rend compte des deux nuances avec Ce l’ho sempre io sul groppone qui montre à la fois la gêne ressentie par le cheval et la position d’Obélix. Dans le cadre de la traduction d’un texte dont l’humour se fonde sur les jeux de mots, le but principal du traducteur est de créer, dans le texte de la langue cible, un effet comique analogue à celui produit sur les lecteurs du texte original. La réalisation de cet objectif conduit à prendre ses distances avec les mots du texte original et à changer la forme linguistique du message ou le contenu. Dans de nombreux cas de jeux de mots et, plus généralement, dans toutes les situations où l’équivalence d’effet constitue le premier souci du traducteur, le processus de recréation devient une technique très utilisée. Ce procédé vise à recréer un syntagme dans le texte d’arrivée qui puisse rendre compte en quelque sorte de l’esprit du message original ; - Vignette 16 tirée de Astérix aux jeux olympiques [Les Gaulois ne peuvent pas utiliser la potion magique pour participer aux jeux olympiques, car elle est interdite. Il ne serait même pas honnête de faire participer Obélix, car il est tombé dans la marmite dans laquelle Panoramix préparait la potion] FR. Obélix : Si tu ne préparais pas ta potion dans une marmite, j’aurais pu participer à cette course… Ah ! Si tu t’étais servi d’un pot ! Astérix : Ce n’est pas une question de manque de pot, Obélix ! IT. Obelix: Se tu non avessi preparato la bevanda in una marmitta, avrei potuto partecipare anch’io alla corsa… Ah, se ti fossi servito di una padella! Asterix: Saresti caduto dalla padella nella brace! Le terme pot a le sens de « vaso », c’est-à-dire un petit récipient. Dans la proposition Ce n’est pas une question de manque de pot, prononcée par Astérix, pot rappelle en même temps la formule manque de pot (« che scalogna ») dans laquelle pot signifie littéralement chance. En italien, l’entrée correspondant à pot, c’est-à-dire vaso, ne possède pas la même extension sémantique. Le traducteur, par l’adaptation opérée, a réussi à produire un effet comique analogue en déplaçant la polysémie sur d’autres termes. En effet, Saresti caduto dalla padella nella brace, en plus d’être une expression, avec le sens de aller de mal en pis, revêt également une signification littérale. Si Panoramix avait utilisé une poêle, plus petite qu’une marmite, Obélix, au moment où il y serait tombé, serait réellement passé de la poêle dans la braise. C’est une traduction hétéromorphe, car le processus sur lequel repose le jeu de mots n’est pas le même ; - Vignette 17 tirée de Astérix aux jeux olympiques [Les pirates, ayant repéré la galère sur laquelle se trouvaient les Gaulois en route vers la Grèce, afin d’éviter un affrontement avec eux, décident, comme d’habitude, de couler leur bateau et d’installer leur escale en mer dans un canot de sauvetage] Professore Antonino Velez Femme d’Alambix : Ch’est cha, des choux, pas de chous, des choux comme hibou, caillou, genou, joujou, et pou. IT. Obelix: È davvero buona! Che c’è dentro? Moglie di Alambix : Tanto per cominciare, è nescessciario prendere delle verscie… Obelix: Delle verze? Asterix: No, verscie! Moglie di Alambix: Proprio coscì, verscie, non verze! Come aranscie, pietanscie, sostanscie, condoglianscie e scorsce! Dans cette vignette, il faut attirer l’attention sur l’accent des Auvergnats, qui se caractérise par la prononciation particulière de la fricative alvéolaire sourde qui devient fricative postalveolaire sourde, et qui, dans ce cas, est responsable de l’équivoque, et du jeu de mots. Le mot choux (« cavoli »), prononcé par la femme d’Alambix en train d’expliquer comment se préparait la potée, est interprété à tort par Obélix, conformément aux caractéristiques phonétiques de cet accent, comme sous (« soldi »), et sous et choux deviennent des homophones lorsqu’ils sont prononcés par les Auvergnats. L’équivoque se concrétise dans la réplique d’Obélix, Des sous ? , et dans la réplique conséquente d’Astérix, Des choux ! où l’on trouve la paronymie in présentai entre sous et choux. L’effet comique de cette vignette est encore renforcé par l’itération du son, correspondant aux termes choux et chous, prononcés par la femme auvergnat dans la dernière bande dessinée. Si l’on considère la version italienne, on constate que la traductrice a trouvé, ou plutôt a adapté, un accent très semblable à celui que l’on trouve dans la région émilienne-romagnole, qui parvient à créer la distorsion linguistique présente dans l’original, et à en restituer, en partie, l’effet comique. En effet, malgré les efforts de la traductrice, l’effet produit est beaucoup plus faible que celui de l’original, car il n’y a pas d’équivoque dans la vignette italienne, puisque les mots verze et verscie ne désignent pas de référents différents, mais il s’agit du même mot modifié par la prononciation des personnages ; - Vignette 22 tirée de Astérix la rose et le glaive [Le barde Assurancetourix a décidé de quitter le village, vu que les femmes ont préféré confier l’éducation de leurs enfants à une éducatrice de Lutetia, aujourd’hui Paris] FR. Abraracourcix : Bah ! Je vous fais confiance ! On va tellement raser cette barde qu’elle partira d’ici rapidement. IT. Abraracourcix: Bah! Ho fiducia in noi: agiremo… In barba alla barda, finché non se ne andrà a gambe levate! En français, la barde ( barda ) n’est pas la contrepartie féminine du barde ( bardo ) mais désigne soit un morceau de lard avec lequel est enveloppée de la viande, le lardello, soit l’armure du cheval, la barda . Dans cet album, l’auteur a intentionnellement attribué à ce terme le sens de femme barde : en fait cette barde se réfère à Maestria, l’enseignante de musique qui remplacera le barde Assurancetourix. L’utilisation impropre de barde est destinée à la création du jeu de mots présent dans l’énoncé professé par Abraracourcix, On va tellement raser cette barde... , basé sur la paronymie in absaentia barde/barbe . L’appel à barbe est rendu évident par l’utilisation du verbe raser, qui signifie « rasare », et qui, au même temps, convient parfaitement à barde, car il signifie aussi, dans le langage familier, infastidire. La suggestion du chef Abraracourcix de scocciare la barda est d’inciter la femme à quitter le village pour faire revenir Assurancetourix. L’identité des termes italiens correspondants barda et barba, a permis, cette fois, la création d’un effet comique équivalent. La traductrice a déplacé le jeu paronyme barde/barbe sur le locution agire in barba a qualcuno, comme on peut voir dans l’expression Agiremo in barba alla barda. La langue cible joue un rôle important dans la traduction des jeux de mots, car le traducteur peut y puiser des éléments, comme Professore Antonino Velez des expressions ou des expressions, sur lesquels il peut plus facilement construire le jeu de mots dans le texte d’arrivée ; - Vignette 23 tirée de Astérix gladiateur [Chanson du barde Assurancetourix] FR. Assurancetourix : Menhir montant, mais oui Madame… IT. Assurancetourix: Va’ Menhir sull’ali dorate… Cette chanson rappelle la première strophe d’une chanson patriotique de Maurice Chevalier, Ménilmontant mais oui Madame (1978). Ménilmontant, le nom d’un quartier connu de Paris, a été remplacé par menhir montant, vu que le menhir est un objet typique de la culture gauloise, lié au premier par un rapport de paronymie. L’effet comique, généré par la parodie dont fait l’objet cette chanson, ne peut être saisi par le lecteur que s’il y reconnaît la strophe originale. Comme cela n’aurait pas été possible pour le public italien, la traductrice a adapté la blague avec l’air Va’ pensiero/menhir sull’ali dorate... tout aussi bien connu du lecteur du texte, réussissant ainsi à éviter la perte d’effet ; - Vignette 24 tirée de Astérix gladiateur 6.7 [Chanson du barde Assurancetourix] FR. Assurancetourix : Ils ont des casques ailés, vive les Celtes… IT. Assurancetourix: Ed hanno dei caschi alati, viva i Celti… La présente strophe fait allusion à une chanson qui exalte la gloire du peuple breton, dont la version originale est Ils ont des chapeaux ronds, Vive les Bretons. De la comparaison avec la strophe originale, chapeaux ronds, qui fait référence à chapeau melon, le chapeau typique des Bretons, et Bretons, ont été remplacés respectivement par casques ailés, les casques portés par les Gaulois dans Astérix, et les Celtes, le nom sous lequel les Romains appelaient les Gaulois. Dans ce cas, le lecteur italien ne relève aucune comédie dans la vignette, car la traductrice, n’ayant pas puisé cette fois dans son bagage culturel, a traduit littéralement une chanson française inconnue au public italien ; - Vignette 25 tirée de Astérix en Corse [Un affrontement se profile entre les Corses rebelles et la garnison romaine d’Aléria dans le but de mettre fin au pillage orchestré par le gouverneur de Corse] FR. Ocatarinetabellatchitchix : Ils sont tous là, mes grognards… Regardez là-bas, la colonne qui arrive en retard… Ah Osterlix, son chef, a du mal à se lever tôt… C’est qu’il est célèbre chez nous, le sommeil d’Osterlix. IT. Ocatarinetabelasciscix: Eccoli tutti là, miei veterani… Guardate laggiù, la colonna che arriva in ritardo… Ah, il suo capo Sonniferix è sempre l’ultimo a svegliarsi… Ma… Chi dorme non piglia romani! On trouve dans ces blagues une série de références au mythe napoléonien, si cher aux Français, du soleil d’Austerlitz, c’est-à-dire de la bataille d’Austerlitz, gagnée par Napoléon Ier, à laquelle le lecteur est ramené grâce à la présence de quelques éléments clés. Tout d’abord, l’image du soleil, représentée dans la vignette, est un détail important, car l’attaque a commencé au lever du soleil, ce qui, selon la légende, a favorisé la victoire, car elle a amélioré la visibilité, et donc la position stratégique de la Grande Armée napoléonienne. Cet élément est également évoqué par le terme sommeil (« sonno »), lié au soleil par un rapport de paronymie. En outre, le nom du chef de cours, Osterlix, qui dirige la colonne de soldats arrivant en retard, indiqué par l’homme qui conduit les deux Gaulois, rappelle, par la ressemblance phonétique, Austerlitz. Un autre élément emblématique est le nom de grognards, par lequel l’homme appelle les soldats repérés au loin. L’épithète, dérivé du grogner, en plus de désigner quelqu’un qui a l’habitude de grogner, fait référence au surnom des soldats de la garde napoléonienne. L’endroit où se déroule l’action, la Corse, s’adapte bien à l’allusion Professore Antonino Velez à l’histoire napoléonienne, puisque Napoléon était d’origine corse. La référence ironique au glorieux combat se résume dans la phrase C’est qu’il est célèbre chez nous, le sommeil d’Osterlix, avec laquelle le guide trace une image totalement différente du mythe napoléonien, en présentant un chef dormant, Osterlix, qui, à cause du sommeil arrive en retard à la confrontation. Le public italien ne possède pas les mêmes moyens culturels que le lecteur original, car la connaissance si détaillée du célèbre événement historique est la prérogative du lecteur français. Dans la version italienne, en effet, la référence historique n’a pas été traduite; le discours du guide se limite à commenter la situation contingent du retard des troupes à cause de leur chef. La comédie se concentre essentiellement dans le terme parodique Ma... Chi dorme non piglia romani! qui fait allusion au célèbre proverbe Chi dorme non piglia pesci, par lequel le nom propre Sonniferix et le verbe svegliarsi, créent un jeu de mots. Cette solution ne parvient pas à compenser de manière exhaustive la perte de l’effet comique créée en raison de l’absence de la référence historique ; - Vignette 26 tirée de Astérix chez les Bretons [Les Romains se préparent à attaquer le village des Bretons, eux aussi rebelles, convaincus de les avoir privés du précieux soutien des Gaulois] FR. Centurion : À vaincre sans péril on évite des ennuis ! Par conséquent… IT. Centurione: Non vi è alcun pericolo, vinceremo senza alcuna nota… Di conseguenza… La réplique prononcée par le Centurion fait référence à la célèbre maxime À vaincre sans péril on triomphe sans gloire par laquelle l’auteur dramatique Pierre Corneille exprima son jugement sur la faible valeur des victoires remportées tout en évitant d’affronter les dangers, qu’il définit triomphes sans gloire . La devise de Corneille a été partiellement modifiée, la première moitié ayant été complétée par l’expression On évite des ennuis (« si evitano noie »), ce qui donne un sens totalement opposé à la phrase prononcée par le général. Cette modification génère une rupture de ton par rapport à l’original, sur lequel se fonde la comédie de l’énoncé. La traduction italienne n’a apporté aucune comédie au texte d’arrivée car la traductrice a simplement paraphrasé l’énoncé français. Ce choix montre combien il est difficile de trouver des références culturelles aussi connues du lecteur de la langue cible, cohérentes avec le contexte. En ce qui concerne les noms qui en français présentent une structure formée par un nom suivi d’un adjectif, la traduction est difficile, car les règles de la syntaxe anglaise prévoient que l’adjectif précède le nom. Dans le cas, par exemple, du nom du petit chien Idéfix, une traduction littérale qui aurait respecté les règles syntaxiques de l’anglais aurait produit un nom difficile à prononcer et à déchiffrer pendant la lecture; par conséquent les traducteurs anglais ont préféré le traduire Dogmatix, en introduisant un élément nouveau, à savoir la référence à chien dans la première syllabe de Dogmatix. La chercheuse Catherine Delesse a dit que le traduire littéralement aurait signifié combiner des mots de manière à produire Fixedideaix qui aurait été difficile à prononcer et à déchiffrer visuellement. Le nom anglais, Dogmatix, est excellent car bien que le mot dogmatique ne soit pas l’équivalent exact de l’idée française fixe, il n’est néanmoins pas loin de l’idée qu’il véhicule, et il a l’avantage de contenir le mot dog . Dans d’autres cas, le traducteur a adapté des solutions alternatives complètement différentes de l’original, en proposant des noms liés à certaines caractéristiques du personnage en question ou relevant d’un domaine sémantique précis. C’est précisément ce qui se passe dans le cas de la traduction du nom du poissonnier Ordralfabétix, dont le nom présente ici aussi une structure nom-adjectif, ordre alphabétique . Le personnage est célèbre pour la mauvaise qualité de son poisson, et le traducteur a donc déplacé l’accent sur cette caractéristique en créant Unhygienix, qui rappelle l’anglais unhygienic, en changeant, par cohérence lexicale, également les noms des proches du poissonnier. Ces derniers, en se concentrant sur l’idée du manque d’hygiène, se ramènent au domaine sémantique de la médecine. Delesse, encore une fois, affirma que le nom anglais du poissonnier semble plus significatif que sa contrepartie française. Ordralfabétix, bien qu’amusant, ne dit rien sur le personnage lui-même. Dans le village, il est célèbre pour vendre du poisson pourri, ce qui provoque de nombreux combats. Cela a conduit les traducteurs britanniques à adopter Unhygienix. L’idée du manque d’hygiène a été étendue à sa femme, dont le Professore Antonino Velez - Les Alains regardaient cinq Ossètes est un jeu par enchaînement : ici on dit cinq Ossètes, mais il y a une expression français qui dit de cinq à sept, c’est-à-dire un bref repos, donc c’est paronymique. Pour la même partie du texte, il faut analyser quelques mots de la traduction correspondante de Calvino : - Dans gitanes, Calvino ajoute une s pour remarquer qu’il s’agit de cigarettes ; - Disegnavano greche est une traduction isomorphe ; - Lire à la place de sols, en créant une polysémie avec l’instrument musical ; - I saracineschi chiudevano le persiane où Calvino donne un à-peu-près parce qu’il distors Sarrasins et il utilise le substantif persiane que c’est polysémique avec le peuple. En poursuivant l’analyse, on voit une partie où l’auteur est particulièrement ironique. Dans Tant d’histoire pour quelques calembours, pour quelques anachronismes. Je trouve cela misérable. On n’en sortira donc jamais ? on trouve le jeu dans le jeu : lui-même se moque des jeux de mots qu’il utilise. Il commence avec la modulation des expressions avec le verbe battre : il va décliner ce verbe en plusieurs formes pour jouer avec les mots. Il l’utilise d’abord dans l’acception de frapper dans battit point sa femme, puis il l’utilise avec le sens de nettoyer le tapis, et puis battre le fer, battre la campagne ou battre se flancs. Dans la même partie de la traduction italienne, Calvino utilise plus d’un verbe, picchiare et battere. Calvino l’a changé parce qu’il pouvait sembler un calque dans le cas de certaines expressions, et aussi pour être un peu plus élégant, mais il aurait respecté la volonté anaphorique de Queneau. Au début il utilise picchiare pour sa femme et ses filles, et puis il change le verbe pour parler des serves : donc toutes les traductions peuvent être contestables. Ensuite, Queneau écrit mors entre le dents, un jeu homophonique entre morts et mors et mérancolieux, un mot-valise qui n’existe pas, un néologisme : Calvino ignore le jeu de mots mors/morts , et aussi il ne recrée pas le mot-valise mais il utilise seulement un mot plus raffiné, melancolia. En analysant le texte français, on trouve d’autres exemples dans la dernière partie des premières pages du roman : - Ici la boue est faite de nos fleurs est une référence culturelle, en effet ici la boue est faite de nos pleurs est une citation de Baudelaire ; ici Queneau se moque et il devient fleurs , ce qui n’a pas de sens ; puis on dit bleues , donc on fait un renvoi au titre, qui indique aussi des personnes naïves ; - On trouve une série de jeux de mots, une série de mots-valises, crées par la crase de deux mots mis ensemble qui en forme des nouveaux : bouddhoir c’est-à-dire Buddha et boudoir, ou confuciusonnal, c’est-à-dire Confucio et confessionnal ; - Les noms des chevales sont Demosthène et Stephane, une référence à Mallarmé. La même partie du texte peut être analysée selon les différents changements que la traduction de Calvino a fait : - Franchi muratori substitue la version française On finira par, donc on va substituer une forme impersonnelle. C’est une expression que dans la version française n’existe pas, donc Calvino fait une compensation en mettant un jeu de mots, donc il fait une traduction libre. Cette expression jeu sur le mot massons, et donc on joue aussi par assonance et paronomasie avec franchi tiratori ; - La référence culturelle se perd et tous les mot-valise sont traduits par des calques ; - Calvino écrit I Vandali à la place de Alains, parce qu’il ne trouve pas un jeu de mots, et donc il fait référence aux Vandales avec un jeu entre la population et ce qu’ils font. Raymond Queneau, Umberto Eco et les jeux de mots Les Exercices de style de Raymond Queneau ont été publiés en première édition en 1947 par Gallimard, suivi d’une nouvelle édition en 1969. Les deux éditions comptent quatre-vingt-dix-neuf Professore Antonino Velez exercices, c’est-à-dire les notations plus quatre-vingt-dix-huit variations; cependant les variations ont subi, au cours de la réédition, quelques changements: - Ont disparu dans la nouvelle édition : Permutations de 2 à 5 lettres, Permutations de 9 à 12 lettres, Réactionnaire, Hai Kai et Féminin; - Ont été ajoutés dans la nouvelle édition : Ensembliste, Définitionnel, Tanka, Translation et Lipogramme; - Ont été maintenus mais avec des titres modifiés : Homéoptotes (maintenant Homéotéleutes), Prétérit (maintenant Passé simple), Noble (maintenant Ampoulé), Permutations de 5 à 8 lettres (maintenant Permutations par croissants de lettres), Permutations de 1 à 4 mots (maintenant Permutations par groupes croissants de mots), Contre-vérités (maintenant Antonymique), Latin de cuisine (maintenant Macaronique), À peu près (maintenant Homophonique) et Mathématique (maintenant Géométrique). Il convient de noter que la dernière variation change non seulement dans le titre mais aussi, et partiellement, dans le contenu. Le mathématicien Queneau a probablement jugé opportun de réajuster la parodie sur la base d’études plus récentes. Quant aux autres changements de titre, ils semblent s’inspirer d’un souci d’exactitude rhétorique. Inquiétude exagérée, car Antonymique ne répond pas aux promesses du titre. Pour donner un exemple, la Gare de Lyon ne peut pas se dire, lexicalement parlant, le contraire de la Gare Saint-Lazare. Le titre original, qui pointait vers des variations du référent et non sur des oppositions lexicales précises, était plus approprié, et en tant que tel a été conservé dans la traduction d’Umberto Eco en italien. Les permutations de lettres et de mots ont été réduites de quatre à deux, évidemment pour alléger la collecte, et Eco a respecté ce choix. Plus difficile de dire la raison des remplacements. Cinq enlevés et cinq ajoutés, il semblerait que la décision soit due au fait que Queneau aimait les nouveaux exercices mais voulait maintenir le nombre total de quatre-vingt-dix-neuf. Des variations abolies, les permutations en plus n’ajoutaient rien; Hai Kai et Tanka sont fongibles du point de vue de la parodie ; Réactionnaire et Féminin étaient plus amusants. On pourrait dire que Féminin était banal et la psychologie féminine était à la mode. Mais Réactionnaire est un beau morceau de costume, toujours actuel, même si le réactionnaire de Queneau est un peu à la mode. Dans tous les cas, Eco a décidé de le quitter pour respecter la nouvelle édition. Dans les deux éditions, il y avait un groupe d’exercices intraduisibles parce que l’italien ne fait pas de jeux que le français encourage. Eco a éliminé Loucherbem, trop d’argot, et il était inutile de recourir à des jargons ou des dialectes italiens, déjà exploités pour d’autres exercices, et il l’a remplacé par Réactionnaire. Eco a aussi dû éliminer Homophonique, parce que le français est riche en homophones et l’italien non. Il est remplacé par Vero?, qui, avec Dunque, invoque le très français Alors). Contrepèteries aurait également dû être omis, car il s’agit d’un genre typiquement français avec une illustre tradition. Eco l’a tout de même traduit, pour pari, mais le résultat n’est pas passionnant. Il y a un autre exercice, Distinguo, qui est également basé sur des homophones, et Eco l’a transformé en un jeu de malentendus lexicaux fondés sur des homonymes et des homographes. Avec ces précautions le traducteur a respecté la numérologie de l’auteur, et les exercices sont formellement restés quatre-vingt-dix-neuf. Queneau joue souvent à prendre les figures à la lettre, c’est-à-dire qu’il prend l’énonciation de la règle et, en trahissant le sens de la règle, en tire un motif supplémentaire de jeu. Dans de nombreux exercices, il conduit au paroxysme, puis, chaque variation de l’allitération et la paronomase. Il ne pouvait donc pas prendre la rhétorique du tout au sérieux et c’est probablement à cela qu’on doit la nonchalance avec laquelle il procède sans ordre, en suivant son inspiration, et sans s’en tenir à aucun système ou classification. À ce stade, le lecteur peut comprendre qu’avec de nombreux autres exercices, Queneau a abandonné la rhétorique et a suivi avec des parodies littéraires et de coutume, ou avec des références à des jargons technico- scientifiques. Cette division en types d’exercices peut être divisée en : - Opérations sur le contenu, divisées entre métasémites si sur des mots ou des entités mineurs et métalogismes si sur des phrases ou des entités majeures ; Professore Antonino Velez - Opérations sur l’expression, divisées entre métaplasmes si sur des mots ou des entités mineurs et métataux si sur des phrases ou des entités majeures. Les Exercices de style disent aussi qu’il est très difficile de distinguer le comique de langage du comique de situation. Apparemment, la distinction est claire. Si le ministre de l’éducation, lors d’une cérémonie solennelle, tombe des escaliers, on a un comique de situation, et la situation peut être racontée dans différentes langues. Si, par contre, pour définir une réforme scolaire mal réussie, on dit que Il ministro della pubblica amministrazione è caduto dalle scuole, on a du comique de langage, qui résiste habituellement à la traduction de langue à langue. La situation devient comique dans la mesure où les personnages et les faits sont déjà chargés de valeurs symboliques. Le comique de situation ne sera pas linguistique, mais il est sémiotique. D’une certaine manière, même le comique dit de langage est lié à des contextes extralinguistiques. Aucun exercice de ce livre n’est purement linguistique, et personne n’est totalement étranger à une langue. Des exemples tirés du texte sont : - Alexandrin : Un jour, dans l’autobus qui porte la lettre S, / Je vis un foutriquet de je ne sais quelle es- / Pèce qui râlait bien qu’autour de son turban / Il y eût de la tresse en place de ruban. / Il râlait ce jeune homme à l’allure insipide, / Au col démesuré, à l’haleine putride, / Parce qu’un citoyen qui paraissait majeur / Le heurtait, disait-il, si quelque voyageur / Se hissait haletant et poursuivi par l’heure / Espérant déjeuner en sa chaste demeure. / Il n’y eut point d’esclandre et le triste quidam / Courut vers une place et s’assit sottement. / Comme je retournais direction rive gauche / De nouveau j’aperçus ce personnage moche / Accompagné d’un zèbre, imbécile dandy, / Qui disait : ce bouton faut pas le mettre icy, traduit par Umberto Eco comme Canzone: Sulla pedana d’autobus antica / pollastro solitario sopra l’Esse / sussulti e vai, nel pieno mezzogiorno, / il collo lungo come lunga calle. / Al cappello d’intorno / brilla una treccia che un gallone tesse / si che al vederla mi s’aggriccia il core. / Odo costui belar con gran lamenti / e dir dei suoi scontenti e di sue pene / a un tizio che gl’infligge gran martíri. / Basta che quei poi gelido lo miri, / ed ecco con gran voli / il pollastro s’assiede a larghi passi, / s’insinua, e scarsi spassi / si concede, quel collo lungo in fiore. / Ohibò, che parapiglia! / Né lo scordo e l’oblio: / ben tosto lo ravviso / lontan dalla Bastiglia, / passante, io non so come, / e un esteta assai strano / rimiro di lontano / che un botton gli consiglia, verso sera, / di spostare al paltò di primavera. Dans la traduction, Eco utilise les septénaires, mais il réussit à maintenir la base de l’histoire, donc ce n’est pas une poésie totalement différente ; - Vulgaire : L’était un peu plus dmidi quand j’ai pu monter dans l’esse. Jmonte donc, jpaye ma place comme de bien entendu et voilàtipas qu’alors jremarque un zozo l’air pied, avec un cou qu’on aurait dit un télescope et une sorte de ficelle autour du galurin. Je lregarde passque jlui trouve l’air pied quand le voilàtipas qu’ismet à interpeller son voisin. Dites-donc, qu’il lui fait, vous pourriez pas faire attention, qu’il ajoute, on dirait, qu’il pleurniche, quvous lfaites essprais, qu’i bafouille, deummarcher toutltemps sullé panards, qu’i dit. Là- dessus, tout fier de lui, il va s’asseoir. Comme un pied. Jrepasse plus tard Cour de Rome et jl’aperçois qui discute le bout de gras avec autre zozo de son espèce. Dis-donc, qu’i lui faisait l’autre, tu dvrais, qu’i lui disait, mettre un ottbouton, qu’il ajoutait, à ton pardingue, qu’i concluait, traduit par Umberto Eco comme Volgare: Aho! Annavo a magnà e te monto su quer bidone de la Esse e ‘an vedi? Nun me vado a incoccià con ‘no stronzo con un collo cche pareva un cacciavite, e ‘na trippa sur cappello? E quello un se mette a baccaglià con st’artro burino perché dice jé acciacca er ditone? Te possino! Ma cche voi, ma cchi spinge? e certo che spinge! chi, io? ma va a magnà er sapone! Nzomma, meno male che poi se va a sede. E bastasse! Sarà du’ ore dopo, chi s’arrivede? Lo stronzo, ar Colosseo, che sta a complottà con st’artro qua che se crede d’esse er Christian Dior, er Missoni, che so, er Mister Facis, li mortacci sui! E metti un bottone de quà, e sposta un bottone de là, a acchittate così alla vitina, e ancora un po’ ce faceva lo spacchetto, che era tutta ‘na froceria che nun te dico. Ma vaffanculo!. Dans la partie en français il n’y a rien de vulgaire, c’est simplement plus familier, tandis que dans la traduction italienne, Eco utilise un dialecte, le romanesque, que dans l’imaginaire véhiculé par le cinéma représente le typique italien un peu vulgaire ;
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