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Traduzione dell'articolo su Yourcenair, Dispense di Letteratura Francese

Traduzione in italiano dell'articolo in francese su Yourcenair, utile come approfondimento extra per l'esame di letteratura francese 2 nell'anno 2024

Tipologia: Dispense

2023/2024

Caricato il 30/05/2024

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4.5

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Scarica Traduzione dell'articolo su Yourcenair e più Dispense in PDF di Letteratura Francese solo su Docsity! Revista de Lenguas ModeRnas, N° 19, 2013 / 207-221 / ISSN: 1659-1933 Résumé Cet article vise la mise en évidence des différentes relations transtex- tuelles identifiables entre le roman Mémoires d’Hadrien de Marguerite Yourcenar et d’autres œuvres littéraires tout au long de l’histoire. Le but en est de mettre en exergue dans quelle mesure les divers liens intervien- nent aussi bien dans la conjonction de deux cosmovisions, que dans le choix stylistique de l’écrivain et dans la construction de la voix narrative du roman. Mots clés: transtextualité, intertexte, hypotexte, Mémoires d’Hadrien, Marguerite Yourcenar, roman historique Resumen Este artículo pretende acercarse a las diferentes relaciones transtextua- les que pueden establecerse entre la novela Memorias de Adriano, de Marguerite Yourcenar, y otras obras literarias a lo largo de la historia. El objetivo es resaltar cómo los diversos nexos intervienen tanto en la conjunción de dos visiones de mundo, como en la escogencia estilística de la escritora y en la construcción de la voz narrativa de la novela. Palabras claves: transtextualidad, intertexto, hipotexto, Memorias de Adriano, Marguerite Yourcenar, novela histórica L’Hadrien de Yourcenar, un Humanisme revisité Verónica Murillo chinchilla Escuela de Lenguas Modernas Universidad de Costa Rica Escuela de Literatura y Ciencias del Lenguaje Universidad Nacional Recepción: 5-3-13 Aceptación: 16-9-13 Revista de Lenguas ModeRnas, n° 19, 2013 / 207-221 / issn: 1659-1933208 Introduction Même si elle est peu exprimée à haute voix, une des idées récur- rentes des études littéraires prétend que tout a été déjà écrit, que les créateurs de notre époque devront se contenter de découvrir de nouveaux regards sur les mêmes paysages. Il en est ainsi notamment pour ceux qui aiment étudier les méandres littéraires, leurs tours et détours. Depuis les études littéraires de Gérard Genette et en particulier de son œuvre Palimpsestes, les voix reviennent fréquemment aux différents liens qu’il est possible de discerner entre les textes littéraires. Il en est de même pour cette étude, dont le but est de mettre en exergue comment les différentes relations transtextuelles interviennent dans Mémoires d’Hadrien, le roman de Marguerite Yourcenar publié en 1951. Il s’agit de rendre visibles les différentes correspondances à l’origine d’un héros qui porte dans sa cosmovision le meilleur de la pensée humaine à la re- cherche de la complétude à travers le regard lucide sur soi-même. I. Les sources Relations hypotextuelles Les Mémoires d’Hadrien entretient des liens identifiables avec des œuvres précédentes et qui se constituent comme ses hypotextes. Les textes à la base de l’œuvre de Marguerite Yourcenar sont clairement connus. Étant un roman historique, dont le protagoniste est un Empereur romain, les sources sont multiples. Il suffit de voir les Notes, à la fin de l’édition Folio des Mémoires d’Hadrien pour se rendre compte de la prolixité dont l’auteur fait preuve au moment d’expliquer les sources historiques et fictionnelles de son roman. Aussi, les Cahiers de Notes accompagnant cette édition fournissent des dé- tails importants par rapport au choix narratif et à l’esprit de l’écrivain au fur et à mesure qu’il modelait son œuvre, en même temps qu’ils témoignent des avatars dans la genèse et consolidation de la voix narrative, la vision des faits et la pers- pective historique composant le roman. En même temps, la technique narrative se base sur des hypotextes facile- ment identifiables. De prime abord, Yourcenar cite elle-même ses sources par rapport à la vie d’Hadrien : • Histoire de Rome de Dion Cassius • Histoire Auguste *Spartien • Mémoires d’Hadrien, publiées sous le nom de son affranchi Phlégon. Mais il y a aussi d’autres sources directes ou indirectes sur la vie de l’époque, l’état de l’Empire et les modèles de pensée. Quant à ces derniers, les référents MURILLO. L’HadRien de YouRcenaR ... 211 je peins. Mes défauts s’y liront au vif, et ma forme naïve, autant que la révérence publique me l’a permis ». Par la suite, il renforce cette idée déclarant : Fais ton fait et te connais. . Chacun de ces deux membres enveloppe géné- ralement tout notre devoir, et semblablement enveloppe son compagnon. Qui aurait à faire son fait, verrait que sa première leçon, c’est connaître ce qu’il est et ce qui lui est propre. Et qui se connaît, ne prend plus l’étranger fait pour le sien ; s’aime et se cultive avant toute autre chose ; refuse les occupations superflues et, les pensées et propositions inutiles 2. Pour sa part, Yourcenar, dans les Cahiers de Notes, exprime que son choix narratif veut un héros à la mesure de l’Homme , dans le sens le plus élevé, celui qui assume comme devoir vital le défi de se construire, s’examiner et se recons- truire en permanence : Prendre une vie connue, achevée, fixée (autant qu’elles peuvent jamais l’être) par l’Histoire, de façon à embrasser d’un seul coup la courbe tout entière ; bien plus, choisir le moment où l’homme qui vécut cette existence la soupèse, l’examine, soit pour un instant capable de la juger. Faire en sorte qu’il se trouve devant sa propre vie dans la même position que nous3. Dans les mots de l’Empereur Hadrien, la dimension morale du choix s’in- tensifie ; le héros possède un fort niveau de conscience de la transcendance des œuvres personnelles, ce qui le motive à avoir un regard lucide et critique penché sur soi-même : Je ne suis pas de ceux qui disent que leurs actions ne leur ressemblent pas. Il faut bien qu’elles le fassent, puisqu’elles sont ma seule mesure, et le seul moyen de me dessiner dans le mémoire des hommes, ou même dans la mienne propre ; puisque c’est peut-être l’impossibilité de continuer à s’ex- primer et à se modifier par l’action qui constitue la différence entre l’état de mort et celui de vivant. Mais il y a entre moi et ces actes dont je suis fait un hiatus indéfinissable. Et la preuve c’est que j’éprouve sans cesse le besoin de les peser, de les expliquer, d’en rendre compte à moi-même4. Cette relation entre la liberté de l’homme pour décider sa destinée et les énormes responsabilités qu’elle comporte, marque incontestablement le déve- loppement de la pensée de la Renaissance et sa valorisation de la condition hu- maine. Puis, au cours des siècles, après la Révolution Française et la profonde modification de la pensée politique au XIX siècle, la conception de la place de l’homme dans le monde se transforme pour lui donner un rôle de plus en plus actif dans la recherche de son bonheur. Le point décisif dans cette évolution apparaît clairement mûr au XXe siècle par la conceptualisation de la philosophie de l’Existentialisme, qui met à l’homme face à soi-même et aux implications éthiques de ses choix. Dans un essai intitulé Revista de Lenguas ModeRnas, n° 19, 2013 / 207-221 / issn: 1659-1933212 L’existentialisme est un humanisme, Jean-Paul Sartre analyse les différentes pierres de touche du mouvement philosophique. Trois préceptes se détachent particulièrement comme pertinents pour cette étude : • La liberté est une condition humaine irrévocable. • L’homme est un devenir. • L’existence précède à l’essence. L’énonciation des trois principes coïncide avec l’évolution de la pensée hu- maine depuis Cicéron et les stoïciens. Bien qu’on ne puisse affirmer une influence directe des Existentialistes sur Yourcenar, leurs œuvres sont contemporaines et la portée de la pensée sur les responsabilités de la liberté trouve bien des échos dans son roman. Cet examen constant de soi-même, cette perception de la propre exis- tence comme une entité toujours en construction, cette évolution qu’entraîne la construction de soi où il ne suffit pas de se savoir exister mais il faut arriver à se définir par rapport à soi-même et par rapport aux autres, relèvent des plus anciennes philosophies humanistes, revalorisées et enrichies tout au long de l’Histoire. II. Vision du monde D’autre part, dans le roman de Yourcenar, il est possible de repérer des re- lations entre la vision politique de l’Empereur et différents visions politiques au cours des siècles. En effet, la lecture du roman renvoie à des images de monde depuis l’Antiquité : la fable Arcadienne, la pensée d’Erasme, l’abbaye de Thé- lème de Rabelais ou l’Utopie de More semblent avoir laissé des traces plus ou moins fermes. Les idées d’Hadrien par rapport à l’importance de l’éducation dans la for- mation de l’homme et la connaissance des langues des Anciens, notamment l’ad- miration pour le grec, renvoyent aux principes idéaux exprimés par Gargantua dans les recommandations à son fils Pantagruel : Je serai jusqu’au bout reconnaissant à Scaurus de m’avoir mis jeune à l’étude du grec. J’étais enfant encore lorsque j’essayai pour le première fois de tracer du stylet ces caractères d’un alphabet inconnu : mon grand dépaysement commençait, et mes grands voyages et le sentiment d’un choix aussi délibéré et aussi involontaire que l’amour. J’ai aimé cette lan- gue pour sa flexibilité de corps bien en forme, sa richesse de vocabulaire où s’atteste à chaque mot le contact direct et varié des réalités, et parce que tout ce que les hommes ont dit de mieux, a été dit en grec5. Par le même biais, la valorisation des plaisirs de la vie, cette philosophie du bon vivant si chère depuis la Renaissance, retrouve aussi des échos dans le MURILLO. L’HadRien de YouRcenaR ... 213 roman. Le bon monarque, à la manière de François Ier, se connaît dans les arts de vivre et fait de son entourage un endroit idéal pour l’enrichissement et l’échange culturel (ce sont, dans une certaine mesure, des versions d’une abbaye de Thé- lème ou d’un Palais de Versailles). La Villa était assez terminée pour que j’y pusse faire transporter mes collections, mes instruments de musique, les quelques milliers de livres achetés un peu partout au cours de mes voyages. J’y donnai une série de fêtes où tout était composé avec soin, le menu des repas et la liste assez restreinte de mes hôtes. Je tenais à ce que tout s’accordât à la beauté pai- sible de ces jardins et de ces salles ; que les fruits fussent aussi exquis que les concerts, et l’ordonnance des services aussi nette que la ciselure des plats d’argent. Pour la première fois, je m’intéressai au choix des nourri- tures ; j’ordonnais qu’on veillât à ce que les huîtres vinssent du Lucrin et que les écrevisses fussent tirées des rivières gauloises. Par haines de la pompeuse négligence qui caractérise trop souvent la table impériale, j’éta- blis pour règle que chaque mets me serait montré avant d’être présenté même au plus insignifiant de mes convives […] le petit théâtre grec de la Villa, et le théâtre latin, à peine plus vaste, n’étaient terminés ni l’un ni l’autre ; j’y fis pourtant monter quelques pièces. On donna par mon ordre des tragédies et des pantomimes, des drames musicaux et des atellanes6. (Mémoires d’Hadrien p.246-247) Hadrien rêve d’un monde plus sensible à la beauté, plus harmonieux, tel qu’il avait été envisagé au XVIe siècle. Il voulait, dès sa vision d’Empereur ro- main, diffuser ce que son entourage avait de mieux. Les citations suivantes rap- pellent un imaginaire utopique, car elles expriment les idéales esthétiques, po- litiques, économiques et sociales de l’Empereur, et reflètent l’amplitude de sa cosmovision : J’entrevoyais la possibilité d’helléniser les barbares, d’atticiser Rome, d’imposer doucement au monde la seule culture qui se soit un jour séparée du monstrueux, de l’informe, de l’immobile, qui ait inventé une définition de la méthode, une théorie de la politique et de la beauté7. Des vertus qui suffisaient pour la petite ville des sept collines auraient à s’assouplir, à se diversifier, pour convenir à toute la terre. Rome, que j’osai le premier qualifier d’éternelle, s’assimilerait de plus en plus aux déesses-mères des cultes d’Asie : progénitrice des jeunes hommes et des moissons, serrant contre son sein des lions et des ruches d’abeille8. (Rome) Elle échapperait à son corps de pierre, elle se composerait du mot d’État, du mot de citoyenneté, du mot de république, une plus sûre immortalité.[…] aux corps physiques des nations et des races, aux acci- dents de la géographie et de l’histoire, aux exigences disparates des dieux ou des ancêtres, nous aurions à jamais superposé, mais sans rien détruire, l’unité d’une conduite humaine, l’empirisme d’une expérience sage. Rome Revista de Lenguas ModeRnas, n° 19, 2013 / 207-221 / issn: 1659-1933216 beaucoup plus mûre, plus compréhensive des multiples composants inhérents à un personnage de ce poids historique. Iii. Style narratif Le troisième axe à la base de cette réflexion sur les liens transtextuels tient au style narratif du roman. Ainsi, le triangle de sens se complète : les textes et références entrecroisés à l’intérieur de la narration, la conjonction de deux visions du monde, et le choix stylistique pour mieux tirer parti des deux axes précédents. Constitué de six chapitres, le roman est construit selon les principes de la rhétorique oratoire ; le premier chapitre : Animula vagula blandula agit comme l’exorde et donne le ton d’entrée du lecteur dans le discours ; les trois chapitres suivants se constituent dans la narration et confirmation à plusieurs reprises ; le dernier chapitre : Patientia en tant que péroraison acquiert la valeur d’un épilogue, prépare le narrateur à sa sortie et annonce le dénouement de l’histoire. De la même manière qu’un discours organisé selon les règles de la rhéto- rique, le récit comporte une introduction, un développement et une conclusion ; mais celles-ci coïncident en même temps avec l’enfance, jeunesse, maturité et vieillesse d’Hadrien et avec l’avènement, apogée et déclin de son règne. De surcroît, en ce qui concerne les noms des chapitres, ceux-ci suivent des choix soigneux. Le premier : Animula vagula blandula est tiré d’un poème at- tribué à Hadrien. Les quatre suivants : Varius multiplex multiformis, Tellus stabilata, Saeculum Aureum et Disciplina Augusta, correspondent aux devises choisies par l’Empereur dans les différentes monnaies mises en circulation pen- dant son règne. De cette manière, à chacun des chapitres du développement correspond une des étapes dans la recherche de soi de l’Empereur, mais aussi une étape diffé- rente (et progressive) de son appropriation du pouvoir. Dans le chapitre Varius multiplex multiformis (Varié, multiple et changeant), le lecteur apprend les pé- ripéties d’Hadrien depuis son adolescence jusqu’à l’adoption par Trajan. C’est l’époque des apprentissages variés, aussi bien au niveau intellectuel que person- nel et politique. Le chapitre est plein d’opinions changeantes, de curiosité et d’ac- tivité : il s’agit d’une vie pleine de promesses, mais encore à l’état de brouillon. Le second chapitre : Tellus stabilata (La terre retrouve son équilibre), com- mence avec l’avènement d’Hadrien au pouvoir ; la narration se centre sur les décisions et les actions qui représentent la mise en place de l’idéal politique de l’Empereur. Il s’agit, en fait, de la recherche de l’équilibre entre Rome et ses pro- vinces, c’est-à-dire entre le centre et sa périphérie. Au troisième chapitre : Saeculum Aureum (Siècle d’or), le titre annonce déjà une période de plénitude et donc, de bonheur. Le plan d’ordre entre Rome et ses provinces et le travail acharné de l’Empereur paraissent avoir rendu leurs fruits. En même temps, une période de satisfaction personnelle semble permettre à Hadrien de jouir du sens de l’harmonie interne. La courbe croissante dans la MURILLO. L’HadRien de YouRcenaR ... 217 stabilisation de l’empire rejoint celle de la vie personnelle. Bien que ce soit le chapitre où sont narrés les événements tragiques de la vie d’Hadrien, la fin du chapitre permet d’entrevoir une reprise de l’équilibre et une nouvelle façade du concept de stabilité. Quant au chapitre suivant : Disciplina Augusta (Discipline Augusta), il vient rappeler au lecteur la conscience du personnage de sa propre fragilité et les principes fixés par conviction dans l’exercice du pouvoir. Sachant que sa vie s’approche du terme, Hadrien ne veut pas laisser des fronts découverts dans ce monde qui lui a coûté tant d’efforts. Toutes les mesures jugées pertinentes pour assurer une transition calme du pouvoir sont mises en exécution selon une volonté clairvoyante et ferme. Marc Aurèle recevra le meilleur don possible pour un héritier : un Empire en plein essor. Le dernier chapitre, Patientia, tel que l’indique son nom, se consacre à ce passage mystérieux qu’accomplit tout être humain à la fin de ses jours. Il re- late les secrètes pensées, les inquiétudes, les renoncements et les expectatives ouvertes devant le vide représenté par la fin de l’existence. Il s’agit d’une lon- gue récapitulation et d’une prise de conscience finale sur ce que signifie cesser d’exister. […] l’existence m’a beaucoup donné, ou, du moins, j’ai su beaucoup obte- nir d’elle ; en ce moment, comme au temps de mon bonheur, et pour des raisons toutes contraires, il me paraît qu’elle n’a plus rien à m’offrir : je ne suis pas sûr de n’avoir plus rien à en apprendre. J’écouterai ses instruction secrètes jusqu’au bout. Toute ma vie, j’ai fait confiance à la sagesse de mon corps ; j’ai tâché de goûter avec discernement les sen- sations que me procurait cet ami : je me dois d’apprécier aussi les der- nières. Je ne refuse plus cette agonie faite pour moi, cette fin lentement élaborée au fond de mes artères, héritée peut-être d’un ancêtre, née de mon tempérament, préparée peu à peu par chacun de mes actes au cours de ma vie, l’heure de l’impatience est passée ; au point où j’en suis, le dé- sespoir serait d’aussi mauvais goût que l’espérance. J’ai renoncé à brus- quer ma mort13. L’examen de soi-même se constitue, jusqu’à la fin du récit, dans le fil conduc- teur du discours ; les incertitudes existentielles qui caractérisent la condition humaine y jouent le rôle principal à tout moment : La méditation de la mort n’apprend pas à mourir ; elle ne rend pas la sortie plus facile, mais la facilité n’est plus ce que je recherche. […] A en croire les prêtres, je t’ai laissé à cet endroit où les éléments d’un être se dé- chirent comme un vêtement usé sur lequel on tire, à ce carrefour sinistre entre ce qui existe éternellement, ce qui fut, et ce qui sera. Il se peut que les gens aient raison, et que la mort soit faite de la même matière fuyante et confuse que la vie14. Revista de Lenguas ModeRnas, n° 19, 2013 / 207-221 / issn: 1659-1933218 Dernière indication sur le regard interne, fidèle en tout au ton intimiste et sincère choisi par l’auteur, le paragraphe final du roman émeut par la simplicité de l’acceptation et la tendresse des mots de séparation : Petite âme, âme tendre et flottante, compagne de mon corps, qui fut ton hôte, tu vas descendre dans ces lieux pâles, durs et nus, où tu devras re- noncer aux jeux d’autrefois. Un instant encore, regardons ensemble les rives familières, les objets que sans doute nous ne reverrons plus… Tâ- chons d’entrer dans la mort les yeux ouverts…15 De cette manière, le lecteur retrouve un texte où coexistent harmonieuse- ment un récit historique, un ton réfléchi et un regard lucide visant l’intemporali- té. Dans les Cahiers de Notes, Yourcenar explique le choix du genre romanesque comme une option presque inévitable : Le roman dévore aujourd’hui toutes les formes ; on est à peu près forcé d’en passer par lui. Cette étude sur la destinée d’un homme qui s’est nommé Hadrien eût été une tragédie au XVIIe siècle ; c’eût été un essai à l’époque de la Renaissance16. Aussi, livre-t-elle ses considérations par rapport aux enjeux du métier d’écrivain à la quête d’une voix pure et d’une histoire répondant à un idéal de vie. C’est le cas de son héros, mais ce sont aussi ses prescriptions de travail : Les règles du jeu : tout apprendre, tout lire, s’informer de tout, […] Poursuivre, à travers des milliers de fiches l’actualité des faits, tâ- cher de rendre leur mobilité, leur souplesse vivante, à ces visages de pierre. Lorsque deux textes, deux affirmations, deux idées s’opposent, se plaire à les concilier plutôt qu’à les annuler l’un par l’autre ; vois en eux deux facettes différentes, deux états successifs du même fait, une réalité convaincante parce qu’elle est complexe, humaine parce qu’elle est multiple. Travailler à lire un texte du IIe siècle avec des yeux, une âme, des sens du IIe siècle ; le laisser baigner dans cette eau mère que sont les faits contemporains ; écarter s’il se peut toutes les idées, tous les sentiments accumulés par couches successives entre ces gens et nous17. Lucide envers son travail de la même manière qu’elle a voulu peindre son personnage, Yourcenar rappelle dans ses Cahiers de Notes que la vie n’est pas aussi simple qu’un concept mathématique ; dans le quotidien les nuances sont toujours possibles. Ne jamais perdre de vue le graphique d’une vie humaine, qui ne se com- pose pas, quoi qu’on dise, d’une horizontale et de deux perpendiculaires, mais bien plutôt de trois lignes sinueuses, étirées à l’infini, sans cesse MURILLO. L’HadRien de YouRcenaR ... 221 KaufMann Jean-Claude, L’invention de soi, Paris, Hachette, s.d. levillian Henriette, Mémoires d’Hadrien de Marguerite Yourcenar, Paris, Galli- mard, 1992, « Foliothèque » nº 17. MontaiGne Michel de, Essais, Paris, Gallimard, 1970, « La Pléiade » suetonio Tranquilo Cayo, Los Doce Césares, Barcelona, Editorial Iberia, 1952, “Obras Maestras”. tadié Jean-Yves, La critique littéraire au XXe siècle, Paris, Editions Pierre Bel- fond, 1987. Yourcenar Marguerite, Mémoires d’Hadrien suivi de Notes de Mémoires d’Ha- drien, Paris, Gallimard, 1974, « Folio » nº921. Sites sur Internet www.cervantesvirtual.com www.encyclopaediauniversalis.fr www.livius.org www.encyclopaediabritannica.uk
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